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3 July 2023

La crise sanitaire, une opportunité pour monétiser ses activités numériques ? Un cycle de Webinaires réalisé en 2020. – Correspondances

Table des matières

Organisée par la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives du ministère des Armées et {CORRESPONDANCES DIGITALES], notre troisième rencontre Webinaire s’est tenue le Jeudi 3 décembre. Elle avait pour thème la crise sanitaire, une opportunité pour monétiser ses activités numériques. Retrouvez dans cet article l’ensemble de nos échanges grâce aux replays du Webinaire, une synthèse, des ressources complémentaires et une restitution graphique proposée par Emeline Parizel.

Le ministère des Armées via sa direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) anime le réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains (RMMCC – pour en savoir plus, cliquez ICI). C’est dans le cadre de cette animation qu’est organisé ce cycle de webinaires.

Ce troisième évènement s’inscrit dans un cycle de Rencontres qui a pour objectif, en lien étroit avec des professionnels du monde muséal et patrimonial, d’identifier différentes pistes d’innovations face à cette crise. Dans le cadre du Mois de l’innovation publique, ces professionnels sont invités à réaliser un bilan de l’année passée et d’en retirer des dynamiques de changements pour leurs établissements culturels :

Pour aborder les enjeux économiques et liés à la monétisation des activités numériques induits par cette crise, ce Webinaire a accueilli les interventions d’Aurélie Perreten (directrice, Musée de la Grande Guerre de Meaux), Nicolas Czubak (responsable du Service éducatif, Mémorial de Verdun), Magali Mallet & Bruno de Sa Moreira (respectivement, directrice du Airborne Museum et CEO d’Histovery), Amélie de Ronseray (directrice du développement et des partenariats, Artips) et Laure Bougon (chef de la section Tourisme de mémoire, Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives, ministère des Armées).Sur 442 inscrits, 231 ont participé à ce Webinaire.

Nos intervenants.

Cette rencontre était animée par Sarah Hugounenq.

L’évènement a d’abord été introduit par Sylvain Mattiucci, directeur de la DPMA. Il a présenté le rôle et les actions mises en œuvre par sa direction et la façon dont celle-ci s’inscrit dans une démarche d’innovation publique. Les interventions ont ensuite été lancées avec en préambule une mise en perspective.

1 – Un préambule pour mettre en perspective les échanges du Webinaire proposé par Sarah Hugounenq.

Voir le replay de l’introduction

Dans cette introduction, Sarah propose une approche historique qui démontre une implication relativement ancienne des musées dans le numérique. Cet engagement s’est développé par la numérisation de leurs collections, l’édition de ressources multimédias et interactives, le développement de dispositifs de médiation numérique et leur investissement sur le Web et les réseaux sociaux. A titre d’exemple, la première visite virtuelle, dont il est beaucoup question dans cette Rencontre, a été lancée il y a déjà plus de 25 ans. Pour reprendre en détail cet historique voir l’article réalisé par Sébastien Magro.

Pour développer de telles ressources numériques, les coûts d’investissement portés par les institutions culturelles sont particulièrement conséquents. A titre indicatif, quelques fourchettes de prix mis en avant par Sarah : de 200 à 500 000 € pour une expérience en réalité virtuelle, environ 50 000 € pour un MOOC… Face à ces dépenses, la définition d’un plan de financement et l’anticipation d’un retour sur investissement semblent, par conséquent, primordiaux. Or, paradoxalement, le choix de proposer gratuitement ces dispositifs continue à primer par rapport à une approche plus économique.

Alors même que les activités culturelles des Français étaient décrétées comme non essentielles par le gouvernement, la crise sanitaire a révélé la valeur incroyable que pouvaient revêtir de tels dispositifs numériques face à la soif de culture en ligne des Français. Une réponse en deux temps a donc été apportée par les lieux patrimoniaux :

  • Un premier temps, lors du confinement, pour garder le lien avec leurs publics. A titre d’exemple, entre mars et avril, 8,4 millions de visites ont été comptabilisées sur le site Web du Musée du Louvre (cf. article Newstank de début mai 2020).
  • Un deuxième temps, lors de la réouverture, pour répondre aux exigences sanitaires par l’usage accru de technologies embarquées.

Ces différentes réponses ont privilégié la gratuité, or, en dehors du champ patrimonial, une récente étude réalisée par Hadopi démontre une propension naturelle des français à recourir à des offres culturelles tarifées. Près de la moitié des internautes de plus de 15 ans sont prêts à payer  pour écouter de la musique, voir des films, des séries… Il est à noter que l’offre des contenus pédagogiques ne fait pas partie de ce palmarès. Avec un panier mensuel moyen des internautes pour la consommation de biens culturels dématérialisés à 11€ en 2018, le potentiel de développement semble donc important.

Face à ces différentes tendances, beaucoup de lieux culturels patrimoniaux envisagent la monétisation de certaines de leurs activités numériques. Différentes questions sous-tendent ces perspectives :

  • Le numérique peut-il rapporter de l’argent ?
  • Les musées sont-ils égaux face à cette perspective financière ?
  • N’y a-t-il pas un risque d’aller à l’encontre des principes de démocratisation culturelle ? N’y a-t-il pas un paradoxe entre la volonté d’une ouverture toujours plus large et gratuite des données et la nécessité de réfléchir à de nouveaux modèles de tarification ?
Pour consulter la présentation partagée en introduction, cliquez ICI

 Une fois ce décor planté, nos différents intervenants ont ensuite pris la parole.

2 – Des retours d’expériences concrets et des pistes à explorer.

Voir le replay des interventions

  • Développer des visites guidées à distance pour les scolaires et le grand public : Aurélie Perreten (Musée de la Grande Guerre de Meaux).

Dans son intervention, Aurélie est revenue sur les visites à distance proposées par son musée.

Le Musée de la Grande Guerre de Meaux a été ouvert en 2011 avec une campagne de mécénat importante (10% de fonds collectés en mécénat financier et de compétences). Parmi ces mécènes, Orange mettait à disposition un mécénat de compétences de 50 000 €.

Peu de temps après cette ouverture, le musée a donc décidé de bénéficier de ce mécénat d’Orange pour développer des visites à distance et faire ainsi découvrir le Musée de la Grande Guerre aux publics scolaires. Après 15 mois de développements, ce dispositif composé d’une tablette, une webcam, un appareil photo et une caméra fixe a été lancé.

Dans le cadre de sa visite, le médiateur est en charge d’animer et actionner ce dispositif. Simple d’accès, cette visite d’1h permet d’interagir aisément avec l’un des cinq médiateurs du musée en charge du parcours. Au regard de son format, elle n’a pas vocation à se substituer à une visite physique mais à proposer une première prise de contact avec le musée et ses collections.

Une médiatrice du musée utilisant le dispositif de visite guidée à distance.

Depuis février 2015, cette offre est commercialisée auprès des publics scolaires au tarif de 100 € par visite (à titre de comparaison, la prestation de visite ou d’atelier pour les scolaires sur place est proposée à 80 euros + 5 euros par élève + transport en bus – principal facteur de coût). Depuis ce lancement, 100 à 150 visites à distance ont été réalisées pour environ 40 000 visiteurs scolaires par an accueillis physiquement au sein du musée *. Face à ce différentiel de fréquentation, la pertinence du dispositif était alors interrogée en 2019.

*Dans le tchat, à titre de comparaison quelques chiffres ont été donnés à l’international. Le British Museum, avec Samsung, réalise des visites du musée en ligne depuis le confinement. Elles ont accueilli environ 900 élèves pour le dernier trimestre : 93 classes par semaine contre un rythme antérieur de 6 classes / semaine.Pour le MET, le coût d’une visite à distance d’une heure pour une classe de 40 élèves est de $200 soit un coût de $5 / élève.

  • Proposer une visite en ligne en accès premium : Nicolas Czubak (Mémorial de Verdun).

Ouvert en 1967, sous l’égide de Maurice Genevoix récemment « panthéonisé », le Mémorial de Verdun accueille en moyenne 150 000 visiteurs par an.

En préambule de son intervention, Nicolas présente un bref panorama des projets numériques développés par le Mémorial :

  • Une application mobile avait été réalisée pour les élèves de primaire en collaboration avec le Réseau Canopé. Cette application est accessible sur tablette gratuitement et distribuée dans le cadre de visite payante.
  • Entre 2015 et 2018, 3 MOOC ont été réalisés avec l’Université de Lorraine (plus d’informations sur ce projet sur le site Web du mémorial). A cette occasion, 69 vidéos et une centaine de documents d’accompagnement ont été produits. Ils s’adressent en priorité aux élèves de troisième et de première qui étudient la bataille de Verdun, mais également aux enseignants, parents d’élèves et autres passionnés par cette période de l’Histoire. Ces MOOC avaient totalisé environ 18 000 inscrits entre 2015 et 2018. Lors du confinement, ces vidéos ont été diffusées sur la chaîne Youtube du Mémorial (et ont généré 7 233 vues et 100 abonnés) et les documents d’accompagnement ont été publiés sur le site Web du Mémorial.
  • Sur la base de ces documents d’accompagnement, une visite virtuelle du Mémorial a été conçue en collaboration avec la société Helix Solutions, le service de la programmation culturelle et le responsable du service éducatif (budget d’environ 8 000 €). Cette visite a été lancée en mai 2020.

Cette visite virtuelle, objet principal de l’intervention de Nicolas, propose :

  • Une visite partielle et gratuite. Elle donne accès à une première immersion dans le musée autour de 5 panoramas constitués de films d’archives, de photos, de commentaires audios, d’enregistrements sonores et d’explications.
  • Une visite approfondie autour de 20 panoramas. Elle est accessible pendant une semaine pour 3 €. A l’instar du Musée de la Grande Guerre de Meaux, elle n’a pas vocation à se substituer à une visite physique des lieux.
La visite virtuelle du Mémorial de Verdun.

Cette visite virtuelle a été particulièrement visionnée dans sa version gratuite, nettement moins dans sa version payante. Fin novembre 2020 (après 7 mois de fonctionnement), la visite virtuelle a totalisé 8 554 visiteurs (principalement francophones), dont, 50 pour la visite complète et payante. Un pic de fréquentation a été enregistré lors des commémorations du 11 novembre avec 720 personnes connectées. L’usage de la visite payante n’est qu’au début de son exploitation et doit donc s’envisager comme un outil de préparation de visite pour les enseignants et les professionnels que comme un outil de diffusion grand public.

Aux deux premiers modèles “en distanciel” évoqués par nos intervenants, le musée Airborne et Histovery ont opté pour une approche « hors-les-murs» d’expositions itinérantes physiques sur la base de contenus numériques.

  • Lancer une exposition numérique itinérante, le fruit de partenariats publics / privés : Bruno de Sa Moreira (Histovery) et Magali Mallet, (Airborne Museum).

Le Musée Airborne, situé à Sainte-Mère-Eglise en Normandie est consacré au débarquement des forces alliées en 1944 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 2018, le Musée, en collaboration avec la société Histovery, a lancé son Histopad, une prolongation mobile et individuelle intégrée à la scénographie du musée.

A l’aide d’une tablette tactile, le visiteur accède à 8 scènes immersives à travers des reconstitutions 360° accessibles tout au long du parcours muséographique du musée, en lien étroit avec les objets qui y sont exposés et les lieux emblématiques de la bataille de Sainte-Mère-Eglise.

L’Histopad du Musée Airborne.

Dès le lancement de l’Histopad, une réflexion a été menée par le Musée pour monétiser les contenus numériques proposés dans le cadre de cette visite augmentée. Il a été décidé d’inclure l’Histopad dans le billet du musée dans une logique de tarification universelle (le billet est passé de 8€50 à 9€90 pour les adultes).

Histovery se rétribue ainsi par une redevance fixe appliquée par visiteur payant. En retour, la société prend à sa charge l’ensemble des investissements initiaux (validation scientifique des contenus, modélisation et éditorialisation des contenus, développements informatiques…), les coûts de maintenance et de mise à jour (hardware / software) et les services associés (data, e-marketing).

Pour découvrir le panel de modèles économiques envisageables entre entreprises privées et lieux patrimoniaux, vous pouvez vous reporter à cet article publié par Correspondances en début d’année.

En 2019, à l’occasion du 75e anniversaire du débarquement, il a semblé intéressant de proposer cette expérience de visite augmentée, hors les murs du musée, dans d’autres lieux sous la forme d’une exposition itinérante : l’Expopad

La première édition de cette exposition itinérante a été accueillie en 2019 par le plus grand musée d’aviation militaire au monde (environ 1 million de visiteurs par an), le National Museum of the US Air Force (Dayton, Ohio). Sur 400 m², cette exposition restitue les espaces du Musée Airborne à l’aide de panneaux et de visuels rétroéclairés. Le visiteur est invité à déambuler dans ce parcours reconstitué avec son Histopad pour accéder de façon interactive aux scènes immersives développées initialement pour le Musée Airborne.

Vue de l’exposition sur le D-DAY réalisée par Histovery et le Musée Airborne.

En 2020, deux musées en Floride et en Caroline du Nord devaient à leur tour accueillir cette exposition. Avec la crise sanitaire, elle est replanifiée en 2021. Ce format d’exposition est proposé sous la forme d’une prestation aux musées américains.

Génératrices de ressources et de notoriété pour le musée, d’autres initiatives peuvent aussi être envisagées sous d’autres formats. C’est ce que propose, par exemple, Artips, par le biais de sa newsletter.

  • Monétiser des contenus et ressources, l’exemple d’Artips : Amélie de Ronseray (Artips).

Amélie débute son intervention par une rapide présentation d’Artips. Jeune entreprise innovante de l’Economie Sociale et Solidaire, Artips compte désormais une trentaine de salariés. Depuis 2013, la société développe une newsletter qui propose à ses abonnés de décrypter l’histoire de l’art par le biais d’anecdotes. Gratuite, elle leur est envoyée 3 fois par semaine. A la suite de ce lancement, d’autres initiatives ont été lancées telles Musiktips, Sciencetips, Economitips… L’ensemble de ces newsletters représente environ 1 million d’abonnés.

Présentation des différents formats de contenus proposés par Artips.

Forte de ce succès, Artips a capitalisé sur les lignes de force de son positionnement éditorial (en termes de storytelling et de formats courts) pour développer des outils d’apprentissages en ligne et les proposer aux entreprises, aux institutions et aux écoles. Ces outils de « micro-learning » permettent de décrypter des savoirs complexes en proposant des parcours de culture générale mais aussi des thématiques plus entrepreneuriales, environnementales ou sociétales. L’accès à cette plateforme est payant.

La plateforme de culture générale proposée par Artips.

Lors du confinement, Artips a mis à disposition gratuitement sa plateforme de culture générale aux entreprises (115) mais aussi aux établissements scolaires et universitaires (115) qui en avaient fait la demande. 300 000 heures de contenus culturels ont ainsi été consommées et 10 millions de capsules vidéos ont été apprises durant le confinement.

Par ailleurs, Artips a accompagné en cette période le lancement de 10 dispositifs pédagogiques en ligne avec 10 établissements culturels partenaires : Domaine de Chantilly, Palais des Beaux-arts de Lille, Philharmonie, Cité du Vin à Bordeaux…

Enfin, des questionnaires de satisfaction et d’évaluation ont été adressés aux différentes structures culturelles pour identifier de nouvelles solutions à leur proposer.

A l’instar d’autres initiatives proposées dans cette Rencontre, Artips a donc fait le choix de proposer un modèle « B to C » gratuit et un modèle « B to B » payant. Artips a donc exceptionnellement redéfini l’équilibre de ses offres durant la crise sanitaire. Cette période a ouvert aussi des potentialités dans la redéfinition à plus long terme de telles offres.

Au panel d’institutions culturelles et d’entreprises privées conviées à cette Rencontre, il semblait aussi intéressant de mettre en avant le rôle des « têtes de réseaux » dans l’animation et l’accompagnement de la transformation numérique et économique du champ patrimonial. Une occasion fortuite d’accueillir la cheffe de la section Tourisme de mémoire de la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives du ministère des Armées.

  • L’appel à projets comme outil pour détecter et développer de nouveaux services, un point sur les actions de la DPMA : Laure Bougon (DPMA).

Régulièrement évoquée en ouverture de chacune des Rencontres proposée dans ce cycle, la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives du ministère des Armées pilote un ensemble de dispositifs d’animation pour structurer et encourager l’innovation dans le champ du tourisme de mémoire. L’appel à projets « Services numériques innovants destinés au tourisme de mémoire » est l’un de ces dispositifs (pour en savoir plus sur la 3e édition).

Laure introduit son intervention en présentant cet appel à projets. Lancé en 2016, il est l’un des axes majeurs de la politique de structuration du tourisme de mémoire et d’histoire porté par le ministère des Armées pour :

  • Soutenir la création de nouveaux outils innovants ;
  • Répondre aux attentes des visiteurs de plus en plus exigeants, informés, mobiles…
  • Diversifier l’offre touristique ;
  • Accompagner l’évolution des modes de visite pour renforcer et pérenniser l’attractivité des sites mémoriels ;
  • Positionner la France comme une destination innovante et attractive au niveau international à travers le spectre du tourisme de mémoire.

Les deux premières éditions (en 2016 et 2018) étaient sous l’égide conjointe de la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives et de la Direction générale des entreprises pour une enveloppe budgétaire de 100 000 €. Cette 3e édition lancée en octobre est portée directement par le ministère des Armées. Elle dispose d’une enveloppe budgétaire de 80 000 €.

L’appel à projets s’adresse aux collectivités, aux laboratoires (publics ou privés), aux entreprises privées ou aux associations qui souhaitent développer un projet en association avec un lieu de mémoire. Les projets sont sélectionnés selon leur dimension d’innovation, leur pertinence vis-à-vis de la politique de tourisme de mémoire, la qualité des partenaires et des contenus proposés, la cohérence du budget et du planning proposé.

Chaque projet lauréat peut bénéficier d’une subvention plafonnée à 20 000 € et qui ne peut excéder 50% du coût total du projet.

En 2016 et 2018, 72 candidatures ont été enregistrées et 15 lauréats nominés. Les porteurs de projets (réseaux territoriaux, start-ups, Centre des monuments nationaux, collectivités) étaient aussi variés que les projets portés (salle 3D, parcours immersifs, chatbot, Web-applications, réalité virtuelle ou superposée).

Les budgets de tels projets étaient en moyenne aux alentours de 15 000 € (le plus élevé étant estimé à 80 000 €, le moins élevé à 20 000 €). La subvention octroyée dans le cadre de l’appel à projet était, quant à elle, de 10 à 20 000 € (avec 8 projets autour de 10 000 €).

L’ensemble des projets était donc co-financé par de l’autofinancement, du mécénat ou d’autres subventions (CNC, services numériques innovants du ministère de la Culture, financement des régions ou des départements).

Parmi les dispositifs mis en œuvre, 7 sont proposés gratuitement aux publics, 4 sont inclus dans le prix d’entrée, 3 sont partiellement payants. C’est le cas, par exemple, pour l’application de visite de la Maison Clemenceau de Saint-Vincent-sur-Jard proposée par Skyboy. Elle est gratuite sur smartphone mais une tablette peut être louée à 3 euros sur le site.

En termes de retour sur investissement, les différents lauréats évoquent :

  • Un bénéfice pour l’image du site plus jeune et plus moderne ;
  • Une attractivité plus forte auprès du grand public, en particulier des familles, mais aussi des scolaires ;
  • Des projets collectifs et fédérateurs à la source de nouvelles synergies entre entreprises, laboratoires, lieux de mémoire et réseaux associatifs ;
  • L’augmentation de la fréquentation pour certains lieux ;
  • Une vitrine pour des savoir-faire (notamment pour les start-ups) ;
  • A l’unanimité, une rentabilité financière nulle mais non attendue.

Cet appel à projets s’adresse donc à une diversité d’acteurs (dont des petites structures) avec un ancrage territorial fort. Une approche mutualisée semble particulièrement centrale dans ce type de projets tant dans la production du dispositif que dans sa communication. La plus-value des projets menés n’est donc pas forcément économique mais favorise l’accessibilité et la démocratisation de ressources auprès d’un public élargi.

Face à cette pluralité d’apports, l’évaluation de ces projets reste, par conséquent, un enjeu fort pour mieux connaitre l’existant et favoriser le partage d’expériences. Dans ce cadre, le ministère des Armées va lancer prochainement une campagne de recensement et d’évaluation des dispositifs innovants créés récemment avec son appui.

3 – En approfondissement, quelques questions transverses.

Replay des questions

En lien avec ces différentes interventions, Sarah a adressé quelques questions à notre panel d’intervenants :

Sarah : Pourquoi avez-vous choisi de tarifer l’accès à vos services  numériques ? Quelles sont, selon vous, les vertus de cette tarification (alors même que la rentabilité de ces activités numériques semble assez limitée) ?

Aurélie (Musée de la Grande Guerre de Meaux) :

Pour les publics scolaires, c’est un moyen de valoriser l’aspect qualitatif de l’expérience proposée. En payant, la classe a accès à un échange direct et privilégié avec un médiateur. Ce prix n’est pas pour autant un frein à la réservation des visites à distance (le frein est en fait plutôt technologique et dans l’appréhension que peuvent avoir les enseignants d’un tel dispositif).

Pour le grand public, dans un contexte de confinement, la tarification aurait été un frein supplémentaire pour accéder aux visites à distance. Par ailleurs, l’expérience est collective donc différente de celle proposée pour les scolaires. En revanche, si des visites venaient à être proposées en « one-to-one » à des familles, la question pourrait se poser.

Magali (Musée Airborne) et Bruno (Histovery) :

Comme évoqué précédemment, l’Histopad est proposé à tous les visiteurs en inclusion de leurs billets d’entrée. La tarification des visiteurs payant a donc été revue légèrement à la hausse pour marquer l’enrichissement de l’expérience de visite proposée avec l’Histopad.

Pour les musées accueillant l’Expopad, Bruno rappelle que l’exposition itinérante est proposée dans le cadre d’une prestation avec un montant fixe. Charge aux fondations des musées américains de financer ce projet en mobilisant les donateurs.  

Sarah : Parmi les projets développés, nombreux ont opté pour un modèle B to B ? Pourquoi ?

Aurélie (Musée de la Grande Guerre de Meaux) :

Les visites scolaires in situ sont payantes, il a donc semblé naturel de faire payer les visites à distance car elles mobilisent les médiateurs du musée et sont riches en contenus. D’autres projets tels qu’AskMarion sont, par ailleurs, proposés gratuitement à l’ensemble des publics du Musée.

Amélie (Artips) :

Artips a toujours souhaité un accès gratuit à ses newsletters. La volonté originelle de la société est de faire parler de la culture différemment et de toucher des publics qui n’ont pas l’habitude de la fréquenter, la gratuité est donc essentielle. De plus, aucune newsletter payante ne semble fondamentalement bien fonctionner.

Notre newsletter est donc financée par des collèges de partenaires tels que le CNRS pour Sciencetips, la Cour des Comptes pour Economitips ou le Musée du Louvre, le musée de l’Armée ou la Philharmonie pour Artips. En retour, nos partenaires ont accès à la base d’abonnés pour communiquer sur leurs activités.

Pour les parcours d’apprentissage en ligne, ils sont le fruit d’une commande par une institution et sont gratuits pour l’utilisateur.

Sarah : Nicolas, pourquoi avoir fait le choix au Mémorial de Verdun de monétiser en B to C ?

Nicolas (Mémorial de Verdun) :

La monétisation de la visite virtuelle permet de valoriser une nouvelle approche de la visite in situ (elle pouvait s’y substituer en période de confinement) ainsi que l’expertise technique et scientifique des partenaires du projet.

Pour autant, peu sont prêts à payer pour cette visite, il faut davantage l’envisager comme un outil utile pour les collègues enseignants. Il peut les aider à mieux connaître la muséographie du musée et préparer la visite avec leurs élèves (autrement dit, l’usage payant de ce dispositif basculerait ainsi en B to B).

Sarah : Est-ce que la tarification d’une activité numérique peut impacter le rôle du médiateur ?

Aurélie (Musée de la Grande Guerre de Meaux) :

La monétisation est une façon de valoriser le travail des 5 médiateurs du musée. L’animation d’une visite à distance est un nouveau métier : les temps de visite sont plus courts, il faut maîtriser le dispositif technologique et de telles visites nécessitent une véritable rééditorialisation (temps d’interactions, ajout de contenus multimédias en live…).

Sarah : Comment gérez-vous la concurrence de plateformes de contenus gratuits (FacebookLive, InstaLive, expériences AirBnB…) ?  

Aurélie (Musée de la Grande Guerre de Meaux) :

A la différence des GAFAM, nous avons un musée. Nous avons donc un ancrage territorial fort et des enjeux de transformation de visiteurs en ligne à physique.

Magali (Musée Airborne) et Bruno (Histovery) :

La visite augmentée que propose Histovery avec le Musée Airborne récompense le visiteur physique, elle est au service de la visite réelle. L’exposition éphémère et itinérante projette, quant à elle, une expérience de visite hors les murs dans d’autres musées. Cela rend service aussi bien aux visiteurs qu’au musée lui-même pour développer sa légitimité à l’international et donner envie aux visiteurs américains de le découvrir lors de leur séjour en France.

Laure (DPMA) :

L’implantation sur les territoires, la proximité par rapport aux publics sont une force importante par rapport à ces grandes plateformes. Cette proximité est particulièrement revendiquée et valorisée par les lauréats des appels à projets animés par la DPMA.

En lien avec cette question, une chronique particulièrement intéressante de France Inter sur  le sujet a été partagée dans le tchat.

4 – En conclusion, une restitution graphique menée par Emeline Parizel.

Replay de la restitution graphique

La diversité de notre panel d’intervenants démontre la richesse d’approches des publics qui peuvent être envisagées avec le numérique : visite guidée à distance, visite virtuelle, expositions numériques itinérantes, activités pédagogiques en ligne, dispositifs de médiation numériques accessibles in situ… La période de crise sanitaire que nous vivons, particulièrement exceptionnelle, a valorisé, d’un côté, la soif de culture de ces publics, de l’autre, la richesse de propositions des institutions culturelles. Face à une tension économique accentuée dans le secteur culturel par la crise, la tentation serait grande de succomber au « solutionnisme numérique ».

Or, les modèles qui ont été mis en avant par nos intervenants sont variés tant dans leurs rentabilités que dans leurs formats : accès payant pour le grand public (visiteurs physiques ou en ligne) ? Monétisation des services auprès de partenaires (entreprises, éducation nationale / universités, autres institutions culturelles…) ? Logique de coproduction et / ou de mutualisation ?…

Une démarche expérimentale et évaluative semble donc essentielle pour identifier les enjeux d’une nouvelle offre en termes d’accès (dont la tarification), de contenus (et, de façon induite, en termes de compétences à mobiliser pour les équipes et les publics auxquels ces offres s’adressent), de communication, de retours sur investissement économiques mais aussi non-économiques.

Pour consulter et zoomer sur la restitution graphique, cliquez ICI

Pour en savoir plus sur le réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains (RMMCC), vous pouvez les contacter via l’adresse mail suivante (dpma-mmcc.anm.fct@intradef.gouv.fr) ou consulter la plaquette de présentation de leurs activités.