Cette année, le Louvre Lens Vallée (LLV), accélérateur de talents créatifs, fête ses 10 ans. Implanté dans une ancienne école primaire, LLV est un véritable terrain de jeu créatif pour entrepreneurs, étudiants, citoyens, créateurs, artistes et designers. Suite à la réalisation d’un voyage apprenant avec des entreprises et des institutions à Lens et à Douai en mars 2023 (cf. article Faire de la valorisation de ses patrimoines, un enjeu territorial, sociétal et environnemental), Antoine Roland s’est entretenu avec sa directrice, Margherita Balzerani, pour revenir sur son parcours, les projets et ambitions qu’elle souhaite impulser et donner à ce lieu d’innovation.
1. AR – Pour commencer, pouvez-vous revenir sur votre parcours ? Comment celui-ci vous a mené à prendre la direction du Louvre Lens Vallée ?
MB – Italienne d’origine, je me définis surtout comme européenne avec l’esprit d’ouverture que cette définition peut donner. Je suis arrivée en France en 2001 pour étudier l’histoire de l’art à la Sorbonne grâce à une bourse Erasmus. J’ai ensuite renforcé ce parcours par un MBA à Novancia Business School avec le désir d’entreprendre. Au-delà des études, par amour de l’art et de la création contemporaine, j’ai travaillé comme médiatrice culturelle au Palais de Tokyo. Devenue commissaire d’exposition, je me suis toujours intéressée à la « perméabilité croisée entre les disciplines » pour créer des croisements heureux qui repoussent les limites entre les territoires de la création : jeux vidéo / art contemporain, art / sciences, etc. De 2009 à 2011, j’ai ainsi fondé et ai été directrice artistique de 3 éditions de l’Atopic Festival (festival accueilli, notamment, à Universcience et à la Gaîté Lyrique).
2009, ce fut aussi le démarrage d’une première mission dans le nord pour appuyer la structuration et la promotion de la filière du design (Lille design) et accompagner Lille Métropole jusqu’à en faire l’une des grandes capitales internationales de cette discipline en 2020.
Le nord m’a ensuite à nouveau appelée en 2015 pour créer et animer le Salon International des Métiers d’Art (350 exposants, 22 000 visiteurs). Evènement gratuit ouvert à tous, avec trois axes majeurs : faire naître des vocations, mettre en lumière les professionnels (ateliers, entreprises individuelle, TPE, et les EPV) et valoriser les savoir-faire d’exception. Une Cité Internationale des Métiers d’Art a même été envisagée à Lens mais le projet n’a finalement pas été mis en œuvre.
Avec une telle passion pour l’innovation dans la culture, le Louvre Lens Vallée réunit donc tout ce que j’ai pu faire sur le terrain pour explorer et valoriser l’innovation avec des créatifs, des métiers d’art et des designers. C’était le projet que j’ai toujours rêvé de porter, il est arrivé au bon endroit et au bon moment.
2. AR – Quels sont les axes
et dynamiques que vous avez impulsés à votre arrivée ?
MB – A contrario d’autres projets où tout était à faire et à construire, lors de mon arrivée au Louvre Lens vallée, une équipe compétente était déjà en place, le projet était déjà installé depuis 9 ans, il ne restait qu’à lui donner une nouvelle ambition, un nouvel élan, l’incarner et construire la stratégie des 10 ans à venir.
Lens, ou le Grand Artois, est pour moi un terrain d’expérimentation des possibles, où l’on se sent chargés d’un défi collectif pour réécrire ce territoire et contribuer à changer l’image de celui-ci tout en s’appuyant et en valorisant sur ce qui en fait son identité, sa force. Un territoire qui a fait le choix, suite à la désindustrialisation, de la transition par la culture, l’innovation et l’économie circulaire.
Le Louvre Lens (5 millions de visiteurs depuis son ouverture dont 70% proviennent de la région), dont on porte la marque dans notre nom, a eu bien sûr un impact majeur dans ce repositionnement. Dans notre vallée, il n’est pas le seul, nous sommes entourés de montagnes sur lesquelles nous nous appuyons et qui contribuent à cette identité territoriale forte et singulière (le bassin minier est désormais inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO) : stade Bollaert, Centre de conservation du Musée du Louvre Paris, Fondation Pinault, etc.
En 2013, lorsque le Louvre Lens Vallée a été créé, naissait à New York l’incubateur du New Museum à New York : le NEW INC. En France, il demeure le seul incubateur de musée.
Si LLV contribue à faire vivre ce Louvre qui se pense autrement, il inspire également l’ensemble des acteurs de la culture de la Région Hauts-de-France. Pour rappel, à l’origine de la création du Louvre Lens, 8 000 habitants de l’agglomération Lens-Liévin ont signé pour plébisciter son implantation sur le territoire. Fort de cet acte originel, les habitants sont parties prenantes de la vie du musée, de son ADN et contribue à la définition de son projet scientifique et culturel.
Si le Louvre Lens est un musée au cœur de la Cité, nous sommes un incubateur de proximité au service des 85 musées de la région, en lien avec notre partenaire Museonor. En 10 ans, LLV a accompagné 128 porteurs de projets dont 75% d’entre eux sont encore installés dans la région. Ces projets ont contribué à lever 7 millions d’euros et a créé plus de 120 emplois sur le territoire (fondateurs non compris) en plus de ceux créés par le Louvre Lens, du CCL et de son écosystème qui va au-delà de la culture (programmes immobiliers, services touristiques, hôtellerie, restaurations, etc.).
Le Louvre Lens Vallée s’ouvre aussi à l’international. Identifié et reconnu comme un lieu totem par la French Touch, l’incubateur, tout comme les entreprises qui y ont été accompagnées (à l’instar de Gigascope qui travaille à la création de scans pour le British Museum) contribuent au développement d’un soft power culturel à la française.
3. AR – Quels sont vos futurs
projets ?
MB – Nous souhaitons consolider notre positionnement dans le secteur culturel et patrimonial. Pour ce faire, notre prochain appel à candidature qui sera lancé en juin, sera orienté sur les innovations liées à la préservation, la conservation et la médiation des collections, au service des musées et des acteurs culturels.
L’éco-responsabilité est un enjeu clé dans le secteur culturel, et fait partie intégrante de notre accompagnement. Nous travaillons à la création d’outils de diagnostic carbone en lien avec les entreprises de notre territoire. Un manifeste issu du dernier Culturathon que nous avons organisé en octobre 2022 sera signé en fin d’année par les 7 institutions culturelles qui y ont participé (Ministère de la Culture, Culture Commune Scène Nationale, 99-Bis-Métaphone, ALL, Autour du Louvre Lens, Le Centre de Conservation du Louvre Paris, le Louvre Lens, Live Nation avec le Festival Main Square).
La question de l’inclusion est aussi au cœur de nos préoccupations dans un territoire désindustrialisé tel que celui de Lens :
- Depuis quelques années, nous accueillons la Pop School, pour former des jeunes aux métiers du numérique.
- Nous contribuons aussi, en lien avec Pôle Emploi à la sensibilisation des demandeurs d’emploi aux filières des ICC, ce projet est en lien avec le Louvre Lens qui a développé depuis 2017 « L’Art d’accéder à l’emploi » avec l’idée qu’un musée n’est plus seulement le lieu de préservation d’un patrimoine mais qu’il peut favoriser le développement personnel et la valorisation de compétences clés pour (re)trouver un emploi, et retrouver la confiance en soi.
- Nous nous engageons aussi pour promouvoir l’entrepreneuriat au féminin.
- Enfin, pour mieux intégrer l’art et la culture dans l’entreprise, nous allons voir comment des artistes et créatifs pourraient multiplier les actions au sein des entreprises : création de résidences d’artistes, location d’œuvres par la création d’une artothèque, création de banque d’images créatives et artistiques, etc.
Pour conclure, suite au Covid, nous avons besoin de sens pour développer des projets culturels plus humains, plus inclusifs, plus éco-responsables, etc. Le Louvre Lens Vallée veut donc devenir cette porte d’entrée pour accompagner, développer et mettre en lumière des projets singuliers et innovants au service des musées et des acteurs culturels. Un Accélérateur de Talents Créatifs !.
Un grand merci à Margherita Balzerani pour son temps et sa disponibilité.