Pour ce nouvel entretien, nous avons rencontré Mathieu Gayet, un acteur passionné et engagé dans la XR culturelle. Ayant fait ses débuts dans la production cinématographique, il a évolué vers la communication digitale et a fondé XRMust, un média de référence sur les nouveaux formats de narration. Aujourd’hui, il est également responsable d’industrie du Geneva Digital Market pour le Geneva International Film Festival (GIFF), qui célèbre cette année son 30e anniversaire et qui a la particularité de s’adresser autant au grand public qu’aux professionnels. Un regard stratégique sur un secteur en pleine ébullition créative.

1. Quels sont les principaux axes de XRMust, ce média dédié aux expériences immersives que tu as créé ?

Mon parcours est ancré dans le secteur de l’audiovisuel. J’ai d’abord fait un master en droit du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia à Lyon, ce qui a vraiment orienté ma carrière professionnelle. Cette formation m’a ouvert les portes de la production cinématographique, où j’ai travaillé pendant 3 à 4 ans à Paris, principalement dans le financement et l’administration des projets.

En parallèle, je me suis beaucoup investi dans l’écriture web en couvrant notamment plusieurs festivals. Peu à peu, j’ai entamé une nouvelle phase de ma carrière, axée sur la communication digitale. J’ai ainsi fondé une agence de communication avec laquelle nous avons accompagné de nombreuses structures, dont plusieurs festivals réputés comme Arras, FIPADOC, ou Cinéma du Réel. C’est également à ce moment que j’ai commencé à travailler sur des événements liés aux formats interactifs, notamment le festival I Love Transmedia à la Gaîté Lyrique, où j’ai géré la communication pendant quatre ans. Cela m’a permis de rencontrer un grand nombre de créateurs et de producteurs passionnants.

En 2017, j’ai décidé de faire un voyage aux États-Unis et de passer 10 jours à Austin pour assister au festival South by Southwest, qui comporte un important volet interactif. Là-bas, j’ai pu observer l’innovation dans l’immersion culturelle, et j’ai rencontré de nombreux acteurs du secteur, comme le studio Felix & Paul. À mon retour, je travaillais pour Virtuality, un salon dédié aux nouvelles technologies immersives, et j’ai commencé à envisager la création de mon propre blog pour explorer plus en détail ces contenus.

2. Quels sont les principaux axes de XRMust, ce média dédié aux expériences immersives que tu as créé ?

XRMust a vu le jour à l’été 2018, avec l’idée de créer un espace pour documenter les œuvres que je découvrais : quelles créations existaient, qui les réalisait, où on pouvait les voir, etc.

En plus du magazine, j’ai donc développé une base de données que j’alimente encore aujourd’hui. Le site a démarré modestement sur un blog WordPress, mais, au fil des années, j’ai suivi des formations pour apprendre à gérer un média et j’ai trouvé des moyens de le faire grandir.

Aujourd’hui, cela fait six ans que XRMust existe. En février 2024, nous avons lancé une importante mise à jour, ce qui a donné un véritable élan au site. Nous y recensons actuellement près de 6 000 œuvres et avons publié presque 800 articles. Une équipe de journalistes et de pigistes me soutient également dans ce travail. 

Le site se consacre aux nouveaux médias sous l’angle du storytelling : nous parlons principalement de réalité virtuelle et de réalité mixte, mais nous couvrons aussi d’autres formes de narration immersive, comme le mapping. Nous visons à explorer cette « nouvelle écriture » au sens large.

En tant que journaliste, j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux professionnels, festivals et institutions avec lesquels j’ai pu collaborer. C’est ainsi que j’ai rejoint Immersity en 2019. Plus récemment, en 2023, j’ai été nommé responsable de l’industrie pour le Geneva International Film Festival (GIFF). Au sein du festival, je m’occupe du Geneva Digital Market en collaboration avec Sarah Quintric, la responsable opérationnelle. Je continue également mes activités avec Immersity, XRMust, et j’accompagne plusieurs événements en animant des conférences.

3. Peux-tu nous présenter le GIFF, qui fête cette année ses 30 ans, et plus particulièrement le Geneva Digital Market qui est dédié à l’innovation audiovisuelle et qui se déroule du 6 au 10 novembre prochain ? 

Le GIFF est un festival unique, car il couvre toute la création audiovisuelle : séries, cinéma et nouvelles écritures. Nous avons trois grandes compétitions dédiées à ces domaines, avec des sous-catégories qui viennent affiner notre sélection. Nous attirons un public européen varié – notamment des Français, Italiens, Allemands et Suisses – pour découvrir des œuvres sélectionnées avec soin par notre équipe et qui sont, je l’espère, à la pointe de l’innovation.

Le festival se déroule sur dix jours et met l’accent sur l’accueil du grand public. Pour la programmation immersive, nous avons un espace d’exposition de 650 m² à la Salle communale de Plainpalais où cette année une trentaine d’œuvres sont présentées. Nous décernons également un Grand Prix d’une valeur de 10 000 francs suisses pour les meilleures œuvres. Cette année, nous accueillons également des projets de nos partenaires, comme la collection NeoDoc, encadrée par le Pôle de Création Numérique, pour montrer leur évolution. 

Le public est très familial et amical, ce qui crée une ambiance particulièrement chaleureuse. Je pense que cela est le cas car nous avons une équipe dédiée à l’animation tout au long de l’année. En dehors du festival, elle travaille sur des interventions dans des écoles et collabore avec des événements comme le Festival de Locarno. 

Côté professionnel, le Geneva Digital Market se tient pendant quatre jours. Ce marché de l’innovation audiovisuelle couvre bien plus que la réalité virtuelle et explore également les avancées dans les technologies numériques, l’intelligence artificielle, et le cinéma. Le programme inclut des conférences avec des acteurs majeurs comme MK2, des experts en IA, des cinéforums, et des études de cas. Nous avons aussi des sessions de pitch, dont trois cette année, avec un total de 33 projets présentés. Voici un aperçu des sessions :

• Les Suisse Interactive Sessions, qui mettent en avant des projets suisses,
• Les XR Coproductions Sessions, dédiées aux productions internationales,
• Le Story Lab du Pour-cent culturel Migros, une initiative importante qui consacre 1% des bénéfices de Migros au soutien de projets créatifs en les aidant à démarrer.

Deux projets m’ont particulièrement marqué : le Panorama de la bataille de Morat, une expérience immersive tirée d’un tableau historique du Musée d’Art et d’Histoire de Genève, et Golden Key, un projet interactif primé au SXSW et créé par Marc Da Costa et Matthew Niederhauser. Ce dernier allie intelligence artificielle et expériences participatives, et son succès international montre bien le potentiel de ce type de projet.

Cette année marque une nette évolution dans la qualité narrative des œuvres présentées. Je remarque une maturité artistique et conceptuelle très inspirante dans l’écriture, et les technologies VR confondues montrent une belle évolution vers des récits plus aboutis.

Un grand merci à Mathieu pour cet entretien. Pour en savoir plus :

• XRMust : https://xrmust.com/fr/
• Geneva Digital Market du GIFF