Accélérateur
de projets

3 juillet 2023

3e édition du NUMIX LAB, évènement francophone dédié à l’immersion – Etape 3 – Luxembourg.

Table des matières

1. AR – Pour commencer, pourriez-vous vous présenter et revenir sur votre parcours ?

ER – Cela fait plus de 10 ans que j’évolue dans la médiation scientifique et l’action culturelle. Comme beaucoup, j’ai commencé sur le terrain en tant que médiatrice. Mon premier poste était aux archives départementales du Val-de-Marne. Lors de cette première expérience, j’ai été amenée à concevoir des expositions et des ateliers sur des thématiques particulièrement variées à la Maison de l’Histoire et du Patrimoine de Champigny-sur-Marne. En parallèle de cette expérience, j’étais aussi référente du Concours national de la résistance et de la déportation. Dans ce cadre, j’ai accompagné des élèves pendant plusieurs années pour répondre à ce concours scolaire porté par l’Education Nationale et le Souvenir Français. Ces premières expériences en lien étroit avec la médiation et les publics m’ont confirmé l’envie de m’engager dans ces domaines. 

Le concours national de la Résistance et de la Déportation est ouvert aux collégiens et aux lycéens chaque année depuis 1961 afin de les encourager à réaliser un projet individuel ou collectif pour perpétuer la mémoire des faits historiques qui leurs sont liés dans une démarche d’éducation à la citoyenneté.

Après cette première expérience, j’ai été recrutée par le département de Seine-et-Marne en tant que chargée de développement des publics au Château médiéval de Blandy-les-Tours, puis, responsable du service des publics. Durant ces 4 ans, j’ai pu mettre en œuvre des actions de médiation sur l’histoire du lieu mais aussi développer des projets de création contemporaine en lien avec la maison du jonglage, des compagnies nationales et internationales qui ont donné lieu à différents festivals qui pouvaient accueillir de 15 à 20 000 visiteurs en un week-end.

Le château médiéval de Blandy-les-Tours, lieu de patrimoine et de création artistique.

En avril 2019, j’ai rejoint le musée de l’Homme, attirée par sa vision de l’humanité dans toute sa pluralité : sociétés, cultures et croyances, environnements biologiques. Une telle vision nécessite d’avoir des équipes très plurielles et qui s’investissent avec une énergie incroyable dans la médiation, la transmission des savoirs scientifiques et culturels, sans perdre la relation aux publics.

Ouvert en 1930, le musée de l’Homme est situé au Trocadéro et présente l’évolution de l’Homme et des sociétés, en croisant les approches biologiques, sociales et culturelles. 

C’est avec cette ambition que j’ai rejoint le musée en m’occupant d’abord des publics scolaires et du champ social, puis, en prenant la responsabilité de ce service de 8 personnes en février 2021 (dont une référente dédiée au champ social et à la Mission Vivre ensemble). Chaque année, au sein de ce service, nous intégrons dans notre plan de charge un projet qui permet de cibler un public qui nécessite une attention particulière. C’est ainsi qu’est né le projet de jeu de cartes à destination des publics en apprentissage de la langue française, mis en œuvre entre 2019 et 2021.

2. AR – Pouvez-vous nous rappeler la genèse de ce projet participatif et la façon dont vous l’avez conduit ?

ER – L’idée de ce projet a été impulsée dès 2016 par l’ancienne responsable du service médiation et action culturelle Camille Noize. Dans le cadre de ses fonctions et en lien avec la Mission Vivre ensemble, elle avait participé à un groupe de travail avec des publics en apprentissage du français. 

La mission Vivre Ensemble regroupe depuis 2004 une trentaine d’établissements culturels pour mutualiser et valoriser leurs ressources et offres de médiation auprès de professionnels du champ social.

Au regard de la forte présence des publics du champ social dans la fréquentation du musée (2e public le plus accueilli après les scolaires parmi les plus de 200 000 visiteurs), il semblait nécessaire de développer un outil qui s’adresse tant aux professionnels qui accompagnent ces visiteurs dans le musée (associations socio-culturelles, d’aide à l’insertion, de formation et d’apprentissage du français) qu’aux visiteurs eux-mêmes et à leurs proches. Cet outil avait pour objectifs de contribuer à faire connaître la galerie de l’Homme, les objets de la collection, véhiculer les messages fondamentaux du musée tout en contribuant à l’apprentissage de la langue

C’est réellement en 2019 que nous nous sommes rapprochés de L’Ile aux Langues pour co-construire ce projet avec cette association pour l’inclusion sociale et numérique tout en mobilisant une quarantaine de ses élèves qu’elle formait à l’apprentissage du français et qui souhaitaient s’impliquer dans ce projet de cartes à jouer. Ce groupe a été véritablement au cœur du dispositif (sans eux le projet n’aurait pu se faire). Pour les mobiliser, de nombreuses séances ont été réalisées avec les professeurs et les apprenants afin d’identifier les objets de la collection à valoriser, rédiger de façon itérative les questions à poser, prototyper le jeu de cartes et le tester in situ (une vingtaine de visites tests ont été mises en œuvre).

Une vingtaine de visites tests ont été mises en œuvre pour élaborer ce dispositif.

3. AR – Pouvez-vous nous présenter plus en détail le jeu de carte qui a été ainsi produit et quels en sont les usages aujourd’hui ?

Le dispositif qui a été créé dans le cadre de ces ateliers est un jeu de 40 cartes le plus accessible possible qui favorise aussi des usages très variés : utilisation dans le cadre d’ateliers dans ou hors les murs, réalisation de parcours, choix des thèmes ou des objets de la visite dans le musée.

Sous la forme d’un quizz, il permet différents temps d’animation :

  • En amont de la visite, le jeu permet de mieux appréhender le musée de l’Homme : son bâtiment, ses collections, sa situation géographique, ses modalités d’accès. 
  • Pendant la visite, le groupe ou le visiteur individuel est acteur de sa visite pour aller chercher les réponses auprès des collections exposées et, ainsi, mieux appréhender les différents thèmes abordés dans la galerie de l’homme : genre humain, préhistoire, mondialisation, etc.

Suite à la visite, des questions peuvent être abordées pour compléter la visite et revenir sur les apprentissages, la compréhension des collections, etc.

Depuis 2021, ce jeu est intégré et proposé dans le cadre des formations mensuelles réalisées par Chloé Pourtier, référente des publics du champ social au   musée auprès des professionnels. Il est aussi beaucoup utilisé par L’ile aux langues dans le cadre de ses formations. Par ailleurs, référencé dans la lettre de la Mission Vivre ensemble, il est et relayé trimestriellement auprès d’une large liste de diffusion de professionnels du champ social (à l’instar des autres offres de médiation des musées membres). Enfin, différents partenaires relayent cette offre sur leurs différents canaux de communication. C’est le cas, par exemple, de la RATP ou de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse. Annuellement, une cinquantaine d’impressions de ce jeu sont ainsi réalisées par le musée.

Pour inscrire le Musée de l’Homme dans le 21ème siècle, nous sommes très attentifs aux caractères immersifs et inclusifs du dialogue avec les publics sans rompre avec les fondamentaux posés par Paul Rivet en 1938 (anthropologue et fondateur du musée de l’Homme). Aujourd’hui Aurélie Clemente-Ruiz, l’actuelle directrice, impulse une dimension participative et innovante dans nos réalisations. A l’exemple, d’un nouveau format de conférences qui placent le public en situation de questionnement, sans le laisser sans réponse. Notre institution ancienne aborde la modernité avec appétit et dans l’esprit de faire évoluer ses pratiques et ses offres avec la société dont elle est la mémoire et le miroir.