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28 juin 2024

NUMIX LAB #24 – Innover dans l’expérience de visite : entre expérimentation et pérennisation – Quelques retours d’expériences de différents musées allemands.

Table des matières

En lien avec la 5e édition du NUMIX LAB (du 25 au 29 novembre 2024 en Allemagne : Munich, Leipzig, Berlin), nous revenons dans une série d’articles sur différentes tendances, dynamiques et spécificités liées à ce pays, à son approche de la culture, de la créativité numérique et immersive. Ce premier article propose un tour d’horizon de quelques musées allemands, de leurs projets d’innovation et des modèles de collaboration qu’ils développent.

La décentralisation de la politique culturelle allemande (portée par seize Länders autonomes) est particulièrement structurante pour appréhender le secteur muséal germanique. Cette décentralisation favorise une variété de politiques culturelles régionales et œuvre à diversifier les approches créatives des musées : programmes d’expérimentations, résidences d’artistes, commandes artistiques, collaborations avec des entreprises technologiques, des fondations ou des universités, etc. Cependant, une forte dépendance aux aléas des enjeux politiques et financiers locaux imposent aux professionnels muséaux de trouver de nouvelles ressources à mobiliser tant en interne qu’auprès d’autres partenaires. 

Cet article proposera une mise en contexte du secteur muséal allemand (ainsi que des implications que l’organisation fédérale allemande génère). Ensuite, nous analyserons diverses stratégies d’innovation inspirantes, fruits de la créativité des professionnels muséaux et de nombreuses collaborations avec  des types de partenaires. Avec pour thème principal la durabilité, la prochaine édition du NUMIX LAB favorisera les échanges et partages sur ces différents sujets avec le Humboldt Forum, le Musée national d’art égyptien, l’Office européen des brevets, l’Université lrz (avec son Centre de Réalité Virtuelle et de Visualisation ) ou le Museum für Naturkunde, etc.

N.B. La cinquième édition du NUMIX LAB aura lieu du 25 au 29 novembre 2024 à Munich, Leipzig et Berlin. et s’articulera autour du thème de la durabilité des expériences immersives. Lien vers la programmation et l’inscription.

L’Île aux Musées de Berlin – Sources

1. Pour commencer un bref panorama sur les musées allemands et leurs modèles de financement

L’innovation numérique prend progressivement de l’ampleur dans les institutions culturelles allemandes. La décentralisation de la culture en Allemagne, marquée par une variété de politiques culturelles régionales, œuvre à diversifier les approches créatives de ces lieux en développant des programmes d’expérimentations en collaboration avec des entreprises, des universités ou des plateformes artistiques, etc. Les projets produits dans ces différents cadres semblent contribuer à enrichir l’expérience des visiteurs et initier le développement d’expériences immersives d’envergure.

1.1. Au niveau fédéral, des financements alloués prioritairement au spectacle vivant et à la création contemporaine.

Près de 106 millions de visiteurs sont accueillis chaque année dans les musées allemands (plus de 6 800). A titre comparatif, les musées en France accueillerait 30 millions de visiteurs chaque année.  Malgré ces chiffres forts conséquents, les financements fédéraux sont orientés en priorité vers le spectacle vivant et la création contemporaine.

Selon les historiens Dominique Poulot et Catherine Ballé, un bref détour historique permettrait de mieux saisir cette répartition.

De l’émergence des premiers musées européens, Altes Museum à Berlin et la Glyptothèque de Munich aux conséquences de la période nazie puis de la Guerre Froide, le pays connaît une distanciation volontaire à l’égard de ce passé qui marque l’héritage patrimonial. Suite à l’essor économique du pays durant les Trentes Glorieuses, les projets culturels se sont délibérément tournés vers la modernité favorisant l’émergence de manifestations contemporaines. 

Ainsi, 34,5% de l’ensemble des financements publics culturels sont dédiés au théâtre et à la musique, contre 19,1% pour les musées. A l’inverse, en France, 40% des financements publics culturels étaient attribués aux institutions culturelles et patrimoniales et 21% à la création (spectacle vivant) en 2022 . Autre élément à prendre en compte pour analyser ces différences de financement entre France et Allemagne : seuls 60% des musées allemands sont publics (contre plus de 82 % en France). 
Cependant, l’investissement de l’Etat (2 milliards investis chaque année dans les musées) tend à augmenter, au détriment de celui des Länders (- 5% depuis 2001) afin d’améliorer la qualité et le rayonnement de la programmation de ses musées à un niveau international. C’est l’un des enjeux du programme fédéral : museum4punkt0.

FOCUS SUR LE PROGRAMME FÉDÉRAL MUSEUM4PUNKT0

Le programme museum4punkt0 reflète bien la volonté de l’Etat fédéral de venir développer la capacité de financement des musées allemands pour initier leurs premières démarches d’innovation et renforcer les coopérations inter-institutionnelles en la matière. Créé à l’initiative du Parlement allemand et du gouvernement fédéral, ce groupe de réflexion et d’accompagnement, a mené de mai 2017 à juin 2023 une stratégie numérique commune. 

En effet, l’association, pilotée par le Prussian Cultural Heritage Foundation, a mis en réseau des institutions culturelles de toute l’Allemagne afin de créer et d’expérimenter des solutions digitales innovantes dans le domaine de la médiation culturelle. Bénéficiant d’un budget de 15 millions d’euros, l’échange collégial de 27 sous-projets issus des différents musées a servi d’inspiration pour l’échange d’expériences et le transfert de connaissances. Parmi ces 27 projets, une grande diversité d’objectifs est observée, allant de la numérisation des collections à la création de compagnons de visite (applications, tablettes), et incluant également, bien que moins fréquentes, des expériences réellement immersives. C’est le cas, par exemple, du Musée d’ethnographie qui a bénéficié de ce programme pour développer une expérience VR (« Sur la grande mer ») qui s’intègre comme une station destinée aux enfants, aux jeunes et à leurs familles. 

Cartographie de la trentaine d’institutions situées dans tout le pays qui ont participé au programme d’innovation ouverte sur la médiation numérique museum4punkt0

Un exemple de projet particulièrement inspirant issu de ce programme :  la création de deux espaces immersifs au sein du Musée archéologique national de Brandebourg pour introduire le parcours permanent afin promouvoir la perception collective au sein d’un groupe de visiteurs. Cette installation 360° a été pensée pour être montée et démontée le plus rapidement et le plus facilement possible. De même, l’objectif était de le rendre le plus simple possible à manipuler pour le personnel du musée, puisque la salle utilisée pour l’installation est temporairement utilisée pour différents événements (grandes conférences, expositions spéciales, etc.). L’installation spatiale de près de 360 ​​degrés a été réalisée avec un total de huit projecteurs laser LED avec technologie d’image et de son synchronisés et technologie audio surround synchronisée installés en permanence au plafond du hall (environ 4,5 m de haut). Des rideaux à fils (ignifuges) servent de surface de projection afin d’obtenir délibérément une qualité d’image quelque peu plus floue. 


Le premier espace immersif, ARCHEOSCOPE, pour numériquement 130 000 ans d’histoire naturelle et culturelle au Musée archéologique national de Brandebourg. 

A un niveau fédéral, l’Etat allemand joue le rôle d’un véritable catalyseur de l’innovation muséale, visant à former les équipes à la médiation numérique et à poser les bases du développement de projets numériques en termes de budget, de conception, et d’exploitation. En revanche, le développement et la pérennisation financière de projets paraît davantage être de la responsabilité des instances régionales.

1.2. Une approche plus locale semble nécessaire pour comprendre le secteur muséal allemand.

L’organisation fédérale de l’Allemagne en 16 Länders favorise la diversité politique, démographique et économique de chacun de ces territoires. Cette diversité est particulièrement prononcée dans le secteur muséal. En effet, un tiers des musées sont situés dans le Länder berlinois (Bade-Wurtemberg) ou munichois (Bavière). Cette disparité crée une émulation entre Länders. Chacun de ces Länder mobilise la culture dans des logiques de soft power auxquelles contribuent grandement les expériences numériques culturelles produites dans chaque institution. 

Extérieur du Musée national d’art égyptien de Munich – sources

Le Musée égyptien de Munich, bien que national, développe de nombreux projets innovants en lien étroit avec son territoire. Divers programmes pluridisciplinaires régionaux avec des universités bavaroises, des musées et des collectivités ont ainsi contribué au financement et à la conception de bornes multimédia dans le parcours de visite et la création d’un compagnon de visite innovant : le MediaGuide. Deux projets oeuvrent à la numérisation et la valorisation des collections des institutions patrimoniales bavaroises : le projet Mudira (numérisation des archives muséales bavaroises) et le projet Bavarikon (portail internet des collections numérisées de Bavière). Le Musée national Egyptien fera l’objet d’une visite lors du prochain  NUMIX LAB, occasion de découvrir ces différents projets numériques inspirants.

Les institutions culturelles sont étroitement liées aux collectivités locales, ce qui les rend sensibles aux fluctuations politiques et aux orientations locales. En effet, la moitié du financement des musées en Allemagne, soit 2 milliards d’euros, provient des municipalités, tandis que 38 % sont attribués par les Länders (en comparaison, en France, le budget muséal s’élève à 17 milliards d’euros, dont 42 % sont assumés par les collectivités locales et 58 % par l’État). Beaucoup moins soutenu que le secteur muséal français, les musées allemands doivent régulièrement innover pour chercher de nouveaux équilibres entre apports publics et privés. Deux options sont ainsi envisagées par les musées : mettre en place des programmes d’expérimentation et d’innovation portés directement par les musées ou développer des collaborations avec des partenaires artistiques externes

2. Créer un programme d’expérimentation et d’innovation portés par les musées ou leurs partenaires.

Face à la régulation des financements publics, de nombreux musées expérimentent des modèles de fonctionnement susceptibles de concilier principes de service public et modèles économiques ou managériaux du secteur privé (le financement privé de la culture serait estimé autour de 1,2 milliard d’euros). Par conséquent, les musées allemands font appel à une variété de partenaires. Fondations, entreprises ou universités sont ainsi rassemblés dans le cadre de programmes d’expérimentation et d’innovation financés par les institutions elles-mêmes, par ses partenaires ou via la mobilisation de programmes européens.

2.1. Développer un programme de coopération intra-institutionnelles pour créer un lieu d’exposition : la fertile collaboration entre le Humboldt Forum et le Kultureprojekte Berlin (Berlin).

La création de quartiers culturels, la volonté de développer l’autonomie de structures culturelles favorise des logiques de mise en réseau et de mutualisation au sein des institutions culturelles. Certaines institutions culturelles se sont ainsi structurées, à l’instar d’autres musées de sciences ou de sociétés français (comme le Muséum national d’histoire naturelle), en regroupant des musées, des universités et des entreprises. Ces regroupements sont propice à la création de projets inédits en interne de ces institutions muséales. C’est le cas du Humboldt Forum.

Dans le centre de Berlin, le Humboldt Forum, nouveau pôle dédié à la culture et à la science, est le fruit de l’alliance de quatres acteurs majeurs : la Fondation du patrimoine culturel prussien (avec le musée ethnologique et le musée d’art asiatique des musées nationaux de Berlin), le Kulturprojekte Berlin et le Stadtmuseum Berlin, la Humboldt-Universität zu Berlin et la Fondation Humboldt Forum. Le Humboldt Forum a bénéficié des expertises de l’un de ses partenaires fondateurs pour développer un projet d’espace d’exposition : le Kulturprojekte Berlin.

Depuis sa création en 2006, l’entreprise publique (GmbH), s’investit dans de nombreux projets territoriaux hors de l’enceinte des murs du Humboldt Forum : programmation et animation d’événements d’envergure (nuit des musées, Berlin Art Week, Mois européen de la Photo) ou de dispositifs de valorisation (création d’un portail des musées de Berlin, application Berlin augmenté, etc.). Ces nombreux projets en lien avec l’espace public et les musées, ont ainsi consolidé les compétences du Kultureprojekte Berlin pour créer des projets immersifs d’envergure. Ainsi, en 2015, en lien étroit avec le Stadtmuseum Berlin et de nombreux artistes et partenaires,l’organisation un espace d’interprétation immersif et interactif autour de l’histoire de Berlin sur une superficie de 4 000 mètres carrés au Humboldt Forum. 

Au regard du rôle majeur de cette institution à Berlin et, plus globalement à un niveau international, la prochaine édition du NUMIX LAB mettra à l’honneur les différents projets de cette institution.

Un des dispositifs immersif installé par le Kulturprojekte Berlin au Humboldt Forum – Source

Cet exemple démontre les liens vertueux que peuvent générer le regroupement de différents partenaires au sein d’un même lieu et d’une même institution. C’est aussi l’ambition portée par le Médiasphère For Nature avec un programme dédié : digitize! live science.

2.2. Développer un programme d’expérimentation pour enrichir les activités de recherche et de médiation d’un musée : l’exemple de digitize! live science du Museum für Naturkunde (Berlin) 

De nombreux musées collaborent alors avec des entreprises technologiques et des laboratoires de recherche pour créer et développer des programmes d’innovations. Ces initiatives bénéficient généralement de financements provenant d’organisations publiques européennes ou fédérales. L’objectif principal de ces programmes est de favoriser le transfert technologique et des compétences dans le domaine de la médiation numérique, en encourageant une mise en réseau territoriale ou professionnelle. Cette approche permet aux musées d’explorer de nouvelles façons d’engager leurs publics et de rendre l’expérience culturelle plus immersive et interactive. C’est le cas, par exemple, du parcours permanent digitize! live science créé par le Museum für Naturkunde. 

Dans le cadre de son plan d’avenir, le musée a souhaité lancé le projet “Exploitation des collections”. Ce nouveau projet a fait la part belle aux nouvelles technologies et a permis de tester de nouvelles formes de travail.  C’est ainsi que le musée a testé et développé une nouvelle chaîne de numérisation avec des partenaires économiques et scientifiques (numérisation jusqu’à 5000 pièces de collection par jour). Les résultats de cette numérisation sont mis à disposition directement auprès des visiteurs du musée.

L’exposition immersive « digitize! live science » reproduit numériquement le travail en temps réel des scientifiques. L’espace de travail des chercheurs est intégré au parcours de visite de l’exposition – Source

D’autres projets, dans le cadre d’un financement par le Fond Européen pour le Développement Régional, ont été développé par le musée à l’instar du programme collaboratif Mediasphere For Nature qui vise à développer des innovations numériques en lien étroit avec les besoins des visiteurs de l’institution.

D’autres institutions culturelles allemandes s’engagent dans la mise en œuvre de programmes d’innovation, c’est le cas, par exemple, du VRLab du Deutsches Museum de Munich. 

Ces programmes d’expérimentations sont portés par des musées allemands mais aussi peuvent être déployés par ou en lien étroit avec des universités.

2.3. Développer un programme d’expérimentation pour enrichir la recherche et éduquer : l’exemple du Centre de Réalité Virtuelle et de Visualisation de l’Université lrz (Munich) 

En Bavière, le secteur universitaire est particulièrement dynamiques : deux universités munichoises qui figurent dans le top 100 du classement de Shanghaï, l’Université technique (TUM, 50e) et l’université Louis-et-Maximilien (57e) . Un tel dynamisme est propice à la mise en œuvre de programmes scientifiques  innovants portés par des acteurs universitaires. L’un de ces projets est porté par l’Université lrz (le Leibniz Rechenzentrum). 

L’Université a ainsi créé une salle immersive dédiée à la formation des étudiants en archéologie : le V2C (Centre de Réalité Virtuelle et de Visualisation). Le V2C a pour objectif de mettre à disposition des équipements de pointe ainsi que des logiciels spécialisés, tout en offrant une expertise dans les domaines de la visualisation et des technologies associées. Le V2C comprend à la fois un bâtiment équipé pour la VR, accessible aux chercheurs, et un centre d’expertise. Ce dernier réunit des spécialistes de la visualisation, de la réalité virtuelle et augmentée. L’Université Lrz fera l’objet d’une visite lors de la prochaine édition du NUMIX LAB.

Schéma de l’installation V2C (Centre de Réalité Virtuelle et de Visualisation) à l’Université lrz (Leibniz) – Source

Les collaborations entre universités et musées ouvrent de nouvelles perspectives pour l’innovation numérique dans le domaine de la médiation culturelle. Les investissements dans les infrastructures et les programmes de recherche, comme le V2C de l’Université lrz, offrent des solutions technologiques avancées et une expertise multidisciplinaire. Ces partenariats, soutenus par des financements publics, favorisent le transfert technologique et contribuent à rendre les expériences culturelles plus interactives et immersives, tant pour les chercheurs que pour le grand public. Des approches plus artistiques caractérisent aussi la vitalité créative des musées allemands où de nombreuses collaborations se développent avec des artistes ou des collectifs dans le cadre d’approches coopératives, de résidences ou de commandes.

3. Développer des collaborations avec des partenaires artistiques.

Comme évoqué précédemment, les financements culturels fédéraux en Allemagne sont en priorité alloués à la création contemporaine et aux arts vivants. Fort de ce constat, de nombreux lieux patrimoniaux font le choix de développer des collaborations étroites avec des artistes contemporains et développent des projets innovants à la croisée des arts et des technologies.

3.1. Co-créer un lieu d’exposition en lien avec des plateformes artistiques : l’exemple inspirant d’Ars Electronica avec l’Office européen des brevets (Munich).

En Europe, différentes plateformes dédiées aux arts numériques se sont développées de longue date. Ces plateformes sont des partenaires majeurs d’institutions culturelles patrimoniales allemandes. C’est le cas d’Ars Electronica.

Créée en 1979 en Autriche (à Linz), Ars Electronica est d’abord un festival consacré aux rapports entre art, technologie et société. C’est aussi une compétition artistique internationale, un musée d’art numérique et médiatique (Ars Electronica Center) ouvert en 1996 ainsi qu’un laboratoire de projets de recherche interdisciplinaire. Ars Electronica collabore régulièrement avec des territoires (à l’instar d’Esch en 2022 lorsque la ville luxembourgeoise était Capitale européenne de la culture) ou des musées à l’instar de l’Office européen des brevets à Munich.

Pour marquer le 50e anniversaire de la Convention sur le brevet européen, l’Office européen des brevets (OEB) a ainsi invité Ars Electronica à assurer le commissariat d’une exposition pour créer un espace culturel de 1000 m² au sous-sol du siège de l’OEB et accueillir différentes oeuvres médiatiques en lien avec les missions de l’organisation. Ces oeuvres permettent de renouveler le regard sur ces missions en les mettant en lien avec des oeuvres artistiques numériques et des sujets d’innovations ou d’actualités tels que le big data ou l’intelligence artificielle,

L’espace culturel de l’Office européen du brevet – © Ars Electronica, Photo: Christian Kain – Source

De telles collaborations avec un regard artistique affirmé permettent, par conséquent, de proposer des offres culturelles plus axées sur l’immersion, l’expérience et la mise en récit que sur le contenu strictement scientifique. Ces collaborations artistiques peuvent aussi être envisagées dans des logiques de commande directe à des artistes (sans intermédiation d’un curateur ou d’une plateforme).

3.2. Accueillir des œuvres artistiques numériques en lien avec les collections : l’exemple de l’œuvre de Lucy Raven avec la Neue Nationalgalerie (Berlin). 

L’approche artistique et numérique peut être une approche renouvelée d’espaces d’expositions, elle peut aussi mettre en lumière un autre regard sur les collections grâce à l’accueil d’une ou plusieurs œuvres qui entrent ainsi en écho avec celles d’un musée. C’est le choix qu’a fait la Neue Nationalgalerie.

Pendant deux mois, la Neue Nationalgalerie (Berlin) a accueilli en 2024 une installation artistique qui occupe tout l’espace dans le hall supérieur du musée, interrogeant les visiteurs dès leurs entrées. Créée en 2021 par l’artiste Lucy Raven pour l’organisation américaine Dia Art Foundation, le musée berlinois rediffuse cette œuvre à l’occasion de la pose de la première pierre du Berlin modern, qui est en construction à côté.

La vidéo-installation Ready-Mix de Lucy Raven à la Neue Nationalgalerie (Berlin) – Source

D’autres œuvres immersives, sans forcément de dimensions technologiques et numériques, ont pu aussi être accueillies dans des musées allemands. Une illustration célèbre : celle des panoramas monumentaux de l’artiste-architecte Yadegar Asisi accueillis dans différents lieux culturels berlinois. D’immenses réalisations 360° se sont ainsi retrouvées dans trois anciens gazomètres reconvertis en institutions culturelles (les “panomètres” de Leipzig, Dresde, Pforzheim), dans un espace spécifiquement construit pour l’y accueillir (Wittemberg) ou encore dans des musées (Musée de Pergame à Berlin, Musée du Mur – Checkpoint Charlie).

Le panorama sur le Mur de Berlin diffusé au Musée du Mur – Checkpoint Charlie et réalisé par l’artiste Yadegar Asisi – Source

Ces panoramas hybrides sont des formats de médiation interopérables. En effet, l’artiste a créé cinq panoramas différents spécifiquement adaptés à la programmation de certains des lieux (Dresde Baroque et Dresde 1945,  Pergame, Le Mur de Berlin, Luther 1515), mais a aussi créé 4 panoramas pouvant s’adapter à la ligne éditoriale de types de lieux qui cherche à renouveler leur panorama (sujets : l’Everest, L’Amazonie,  La grande barrière de Corail, le Titanic). Une manière de s’adapter aux besoins  programmatiques des institutions culturelles avec des projets artistiques frugaux en termes de technologies.

Les programmes d’innovation collective dans les musées, soutenus par des financements publics régionaux, nationaux ou européens, ont conduit à des programmes d’expérimentations numériques novateurs. Parallèlement, de fertiles collaborations avec des artistes contemporains ont permis de créer des nouvelles expériences culturelles dans les musées, démontrant l’importance croissante de l’art numérique dans le paysage culturel allemand. L’importance du domaine des arts numériques a aussi favorisé la création et l’émergence de nombreux centres d’art dédiés à ces formes d’expression artistique. Cette autre tendance fera l’objet d’un article qui sera prochainement publié. 

La cinquième édition du NUMIX LAB aura lieu du 25 au 29 novembre 2024 à Munich, Leipzig et Berlin. et s’articulera autour du thème de la durabilité des expériences immersives. Lien vers la programmation et l’inscription.