Accélérateur
de projets

3 juillet 2023

3e édition du NUMIX LAB, événement francophone dédié à l’immersion : Etape 1 – France.

Table des matières

Du 22 au 25 novembre s’est tenue la 3e édition du NUMIX LAB (France, Allemagne, Luxembourg), l’évènement francophone dédié à l’immersion et à la création numérique. 

Cet article revient sur la première étape : Metz. La délégation d’une centaine de personnes réunies dans le cadre du NUMIX LAB a participé à la 1ère édition des Rencontres Internationales de la Culture, de la Connaissance et de l’Immersif (RICCI) organisée par la Région Grand Est et NUMIX LAB. Durant 2 jours à Bliiida (tiers lieux dédié aux industries créatives), la délégation a partagé et découvert un écosystème local particulièrement actif dans la mise en œuvre de projets culturels et innovants ambitieux en termes d’évènementiels immersifs, de valorisation numérique du tourisme de mémoire ou de spectacle augmenté.

1. ÉVÉNEMENTIELS IMMERSIFS – UN PANEL DÉDIÉ AUX ENJEUX ET APPORTS DU MAPPING VIDÉO ET DES INSTALLATIONS NUMÉRIQUES DANS L’ESPACE PUBLIC. 

Les intervenants du panel : Jérémie Bellot (AV Extended / Festival Constellations de Metz – France), Guillaume Aniorté (QDSInternational – Québec), Emmanuel Angeli (Brussels Major Events – Belgique), Damien Lugnier (Ville de Reims – France). Animation par Marc Bourhis (Région Grand Est – France).

Ce panel a favorisé les échanges entre Jérémie Bellot (AV Extended et co-organisateurs de Constellations), Guillaume Aniorté (Quartier des spectacles international à Montréal), Emmanuel Angeli (Brussel Major Events) et Damien Lugnier (en charge, notamment, du spectacle de mapping Regalia à Reims). Ils ont dialogué sur la façon dont les événements immersifs peuvent contribuer à attirer une diversité de publics sur leurs territoires d’activités.

Jérémie Bellot, commissaire artistique du festival et directeur artistique d’AV Extended, a ouvert les échanges avec un premier retour d’expériences sur Constellations, festival international des arts numériques (de juin à septembre). Ce festival fêtait sa 6e édition en 2022 et, à cette occasion, a accueilli 20 œuvres artistiques dans 16 lieux. Cette édition a attiré durant ses 73 jours de programmation près d’un million de visiteurs.

Mapping vidéo architectural réalisé sur la Cathédrale Saint Etienne par Flightgraf et OnionLab.

Jérémie Bellot a ensuite mis en avant un autre projet de centre d’art numérique : le château de Beaugency. Depuis 2021, ce centre d’art culturel accueille de  nombreux formats immersifs : expositions immersives temporaires  (ex. Van Gogh La tête dans les étoiles), œuvres et installations numériques in situ (ex. Rêves Chromatiques), spectacles de sons et lumières sur les façades… La quasi-totalité des salles de ce lieu classé Monument Historique depuis 1926 sont ainsi dédiées à l’art numérique sous toutes ses formes. Beaugency est également un projet expérimental pour l’agence strasbourgeoise pour déterminer si ce modèle peut être reproductible dans d’autres sites patrimoniaux.

L’une des nombreuses installations d’arts numériques proposées au château de Beaugency (AV Extended).

A l’instar de Constellations, d’autres collectivités de la Région Grand Est ont également développé des offres de spectacles de sons et lumières afin de réunir touristes et habitants autour du patrimoine local. C’est le cas de Reims avec Régalia. Damien Lugnier, attaché à la direction de la culture de la mairie de Reims et directeur adjoint des Musées de Reims a présenté ce spectacle multimédia immersif projeté sur les façades de la Cathédrale Notre-Dame de Reims et de la Basilique Saint-Rémi (accessible gratuitement tous les week-ends de décembre). A cette occasion, il a rappelé que ce mapping permet à la ville de « mettre en lumière l’ensemble des patrimoines protégés par les classements de l’UNESCO dont elle à la charge ». Quatre ans (2015-2019) ont été nécessaires pour cadrer, puis, concevoir ce projet avec le studio de création canadien Moment Factory. Les deux tiers du budget ont permis à la ville d’acquérir l’équipement nécessaire. Ces coûts initiaux seront amortis sur dix ans, soit, deux cycles de cinq ans d’exploitation.

Le spectacle Regalia, à Reims, a lieu chaque année en décembre depuis 2019

La mise en place d’installations artistiques et interactives peut contribuer à revitaliser et à animer un territoire en attirant de nouveaux publics. C’est le cas de la stratégie du Quartier des spectacles développée il y a quelques années à Montréal. Ce Quartier des spectacles montréalais accueille désormais plus de 2 millions de visiteurs par an en moyenne sur une surface de 1 km2. Une telle fréquentation est le fruit d’une programmation annuelle très riche (une quarantaine d’événements par an) et de nombreux partenariats  entre les différentes structures et institutions propriétaires, gestionnaires ou prestataires. Fort de cette expérience, le Quartier des spectacles a développé une filiale pour produire et distribuer des installations artistiques dédiées aux espaces publics : QDSinternational.

Une manière captivante d’ « amener de l’art dans l’espace public » pour reprendre les mots d’Emmanuel Angeli, manager artistique et stratégique chez Brussel Major Event (voir le passionnant projet Plaisirs d’hivers qui a réuni trois millions de spectateurs). 

Le quartier des spectacles à Montréal, un exemple de rénovation de l’espace urbain sur 1m2 dédié aux spectacles grand format

Des créations lumineuses sont créées pour répondre à différentes problématiques liées aux enjeux de valorisation d’un bâtiment patrimonial, de la réhabilitation d’un quartier urbain ou encore du développement touristique d’un territoire. Autant d’enjeux qui nécessitent la constitution d’une véritable filière créative. Cette filière contribue  aussi à la valorisation patrimoniale et mémorielle des territoires. 

2. PANEL – PATRIMOINE DE MÉMOIRE ET IMMERSIF : DES TECHNOLOGIES POUR FAIRE (RE)VIVRE LE PATRIMOINE MÉMORIEL  ?

Les intervenants du panel : Mohamed Zoghlami (3D Netinfo – DigiArt Living Lab – Tunisie), Alexandra Derveaux (Direction de la mémoire, de la culture et des archives du Ministère des Armées – France), Frédérique Neau-Dufour (pour le monument mémoriel aux morts et disparus alsaciens et mosellans de la Seconde Guerre mondiale – Région Grand Est – France) et Julien Becker (Skill Lab – Luxembourg). Animation par Scarlett Greco (Paris Musée – France).

Le numérique favorise une diversité de modèles narratifs pour faire vivre des patrimoines ou des mémoires à préserver. Il peut contribuer à les valoriser plus largement, à les reconstituer littéralement ou les présenter de façon à créer l’échange, le partage et l’interactivité. Ce fut l’objet de ce panel que de montrer la singularité, l’originalité et la diversité des possibilités envisageables à la croisée de l’innovation numérique et du patrimoine mémoriel.

Les technologies immersives sont particulièrement ajustées pour rendre compte d’une réalité disparue en « développant un axe narratif et moins scientifique » comme nous le partageait Julien Becker de Skill Lab qui considère que « le storytelling est ce qu’un producteur peut apporter dans un lieu historique ».  Ce studio de création luxembourgeois nous a présenté le projet Champ de Bataille, un film en réalité virtuelle stéréoscopique qui suit un soldat téléphoniste de la Grande Guerre dans l’horreur des tranchées. Pour réussir à réunir les fonds nécessaires au succès graphique du film (modélisation numérique, captation réelle, etc.), le studio s’est allié au Film Fund Luxembourg et à France TV LAB via une coproduction.

Champ de Bataille, une coproduction VR entre Skill Lab, Film Fund Luxembourg et France TV LAB

Ces logiques de coproduction sont souvent dynamisées par des dispositifs incitatifs développés par des collectivités de tutelle. C’est ce qu’a souhaité mettre en place la Direction de la mémoire, de la culture et des archives du Ministère des Armées en lançant l’appel à projets Services numériques innovants destinés au tourisme de mémoire. Alexandra Derveaux, Cheffe du pôle Tourisme de mémoire, a rappelé que l’appel à projets  a permis, depuis 2016, de récompenser 23 projets inspirants. Ce furent les cas de Sur la ligne de front en Meurthe et Moselle, une application qui propose un parcours numérique se déployant à l’échelle du département de Meurthe-et-Moselle pour mieux montrer la diversité́ des paysages et des formes prises par les stigmates de ce territoire de front, ou encore de Rivelsaltes VR, une expérience in situ et en déambulation reconstituant le passé du camp, témoin des conflits majeurs du XXe siècle (guerre d’Espagne, Seconde Guerre mondiale, guerres de décolonisation).

L’expérience Rivesaltes VR qui a bénéficié de l’appel à projet du Ministère des Armées pour proposer aux visiteurs des reconstitutions des différentes couches mémorielles du camp.

Mémoire et technologies peuvent aussi se déployer via des approches plus globales, participatives et collectives. C’est par exemple le cas du projet porté par Frédérique Neau-Dufour, historienne et cheffe de projet Capitale européenne de la Culture Esch 2022 pour la Région Grand Est. Elle a la volonté de « créer un monument aux morts 2.0 pour transmettre les témoignages très divers des 36 000 victimes alsacienne du la seconde Guerre Mondiale». Une base de données en ligne va être déclinée en 2021 in situ dans un lieu ouvert au public via une médiation numérique (projections, tablette tactile). Des réseaux universitaires devraient aussi être mobilisés pour contribuer à la conception de projets mémoriels collectifs.

En Tunisie, et, plus globalement en Afrique, cette mise à contribution des écoles et universités pour se réapproprier une mémoire commune est aussi actuellement à l’œuvre. C’est dans ce sens qu’a témoigné Mohamed Zoghlami en présentant l’école dédiée à la création numérique  3D Netinfo (20 000 étudiants de 15 pays africains différents réunis depuis son ouverture). Les étudiants de l’école sont régulièrement invités, à l’aide de technologies de pointe, à développer des projets valorisant des mémoires plurielles issues de 54 Etats du continent et des traces physiques particulièrement nombreuses (plus de 36 000 sites archéologiques en Tunisie). Ce riche patrimoine fait donc l’objet régulier de productions numériques ambitieuses (par exemple, la modélisation de 300 costumes tunisiens dans une galerie virtuelle, modélisation d’objets de l’époque carthaginoise monétisés en NFT, projet de création d’un musée virtuel des musiques et instruments africains dans le métaverse, etc.). 

La multiplicité des technologies immersives évoquée dans ce panel démontre la diversité d’approches qui peut être envisagées pour contribuer à développer des approches mémorielles participatives, réappropriatives mais aussi reconstitutives. D’autres approches créatives et artistiques sont à l’œuvre dans le spectacle vivant.

3. PANEL –  SPECTACLE AUGMENTE – VERS DE NOUVELLES PRATIQUES ARTISTIQUES ET CRÉATIVES?  

Les intervenants du panel : Thomas Payette (mirari – Québec), François Klein (Digital Rise – France), Catherine Elsen (PitchBack Collective – Luxembourg) et Eric Joris (Crew Brussel – Belgique). Animation par Audrey Pacart (Very Story – Québec/France)

Le spectacle vivant se singularise par la rencontre unique de trois éléments : la médiation via les artistes, les spectateurs et une œuvre évolutive au gré des représentations. Une spécificité à laquelle l’immersion technologique contribue dans cette discipline depuis les années 50 en interrogeant et augmentant les expressions artistiques. L’apport de la technologie peut être sensorielle et artistique. Il peut aussi aller jusqu’à métamorphoser le spectateur en véritable acteur. Autant de caractéristiques qui permettent à Audrey Pacart, productrice chez Very Story et animatrice de ce panel, de considérer les spectacles augmentés comme des spectacles totaux.

Plusieurs projets audacieux présentés au cours de cette conférence ont pu illustrer la diversité et la richesse de l’usage de la technologie dans le spectacle vivant. Thomas Payette, cofondateur du studio mirari, a par exemple présenté la pièce chorégraphique Touch diffusée dans un des centres d’arts numériques de Lighthouse Immersive (réseaux de distribution et d’exploitation d’œuvres immersives américain) pendant trois mois. Cette pièce chorégraphique utilise la technologie de la télédétection par laser pour scanner un espace en 3D et  générer des images produites en temps réel et en interaction avec deux danseurs et leurs publics.

Touch, un spectacle augmenté en temps réel créé par le studio Mirari.

Une technologie de pointe qui fait écho à celle utilisée dans Mandala, a brief moment in time du studio de production Digital Rise et présentée par François Klein. Dans cette expérience en réalité virtuelle et en free roaming, les spectateurs sont invités à entrer dans un ancien temple bouddhiste pour créer un mandala grâce à leur mouvement. Une prouesse artistique et technologique rendue possible grâce à la captation d’un comédien en motion capture en temps réel.

L’expérience VR collective et interactive en free roaming du studio DigitalRise

Les réalités augmentées, virtuelles ou le vidéo mapping contribuent indéniablement à l’enrichissement sensoriel d’une représentation théâtrale. C’est en tout cas le parti pris par les frères Stéphane et Nicolas Blies, (studio luxembourgeois A-Bahn), qui conçoivent actuellement l’expérience Ceci est mon cœur. « Les supports immersifs se sont imposés à nous pour explorer la question de la sensorialité et de l’exploration de nos propres corps » partageaient-ils lors des RICCI. Cette œuvre immersive, coproduite entre Lucid Realities et PHI, développera de façon sensible l’appropriation de son corps. Un poème animé et mis en scène dans un espace immersif via du mapping ainsi que des vêtements connectés diffusant son et lumière conçus pour immerger totalement les spectateurs pendant environ 40 minutes. 

Maquette de Ceci est mon cœur, une expérience sur le rapport au corps prévu pour 2024

« La technologie nous a permis de créer un dialogue entre les comédiens et les spectateurs » affirmait Catherine Elsen, actrice et productrice et actrice chez PitchBlack Collective, à propos de The Assembly. Ce rituel sonore immersif utilise la réalité virtuelle, la danse, des faisceaux de lumière interactifs et de nombreuses enceintes. Cette dramaturgie interactive propose aux spectateurs un rituel déclenché par leurs mouvements pour créer une composition musicale inédite. Un médiateur holographique, incarné par un comédien, apparaît alors pour représenter esthétiquement les sons produits. Un exemple saisissant de spectateurs (de 60 à 120) intégré dans la composition artistique avec les danseurs et artistes présents. 

The Assembly lors d’une de ses représentations

Produire de tels projets a un coût. Si Ceci est mon cœur, dont l’investissement initial est de 1,4 million d’euros, est une coproduction visant une distribution internationale, d’autres membres du panel ont présenté des canaux de financement alternatifs. François Klein évoquait par exemple l’intérêt des coproductions internationales pour chercher des financements publics issus de différents pays. Une rationalisation des moyens technologiques permettrait alors d’équilibrer le billet d’entrée et la durée d’exploitation afin d’assurer un taux de rentabilité efficient. Du côté de Catherine Elsen, la multidisciplinarité inhérente aux spectacles augmentés est un atout. Elle permet de toucher de nombreux guichets (patrimoine, audiovisuel, spectacle vivant…), à la condition d’exploiter une œuvre dans un pays déjà acculturé à l’immersion. Dernier modèle présenté, celui d’Eric Joris, de Crew Brussel, dont la participation à des projets de recherche technologiques et artistiques subventionnés permet à son collectif artistique de créer des expériences immersives.

L’ensemble de ces passionnants projets évoqués au cours de la matinée du 23 novembre permettent de dessiner les nombreux apports de l’immersion dans le spectacle vivant. De quoi alimenter le fantasme wagnérien d’une œuvre totale via les nouvelles technologies.

Après ces deux premières journées à Metz, les participants du NUMIX LAB ont traversé la frontière pour découvrir l’écosystème immersif et créatif allemand. Un voyage que nous restituerons dans un deuxième article

Un grand merci à l’ensemble de nos partenaires pour avec rendu possible cette troisième édition : Gouvernement du Québec et de la Ville de Montréal, Film Fund Luxembourg, Esch 2022 – European Capital of Culture, K8 Institut für strategische Ästhetik, Région Grand Est, Grand E-Nov+, l’Agence d’Innovation et de Prospection Internationale du Grand Est, Ville de Metz, du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), Quotidien de l’Art et l’Ocim.