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3 juillet 2023

En quoi les espaces immersifs contribuent-ils à l’attractivité et au développement des publics (3/4)

Table des matières

Le 3e panel avait pour thème l’attractivité et le développement des publics pour les lieux immersifs. Les intervenants ont évoqué une variété de projets numériques immersifs (contenus interactifs, expérience de réalité virtuelle collective, expositions numériques grand format) et de modèles d’exploitation dans un musée (Soufiane Bencharif, Institut du monde arabe, dans une structure nomade dédiée (Michael Couzigou, Art Immersive Box), par l’intermédiaire de moyens de locomotion (Philippe Rivière avec un bâteau, Art Explorer, et, un camion, MuMo) ou via les micro-Folies (Adryaan Martins). {VOIR LE REPLAY]

 

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La 7e édition des JMC se tenait à la Maison des Métallos, dans le 11e arrondissement de Paris.

Accueillir une expérience immersive dans un musée (Soufiane Bencharif, Institut du Monde Arabe). 

Concernant L’horizon de Khéops, produit par Emissive et accueilli à l’Institut du monde arabe (IMA) de juin à septembre 2022, Soufiane Bencharif a souligné le fait que le projet avait été défini extrêmement rapidement (en 2 mois) car l’expérience  était déjà conçue. 

L’Horizon VR de Kheops, une expérience immersive à l’Institut du monde arabe.

Auparavant, l’Institut du Monde Arabe avait déjà collaboré à l’accueil d’autres projets immersifs, notamment The enemy avec Lucid Realities, ou encore l’exposition Cités Millénaires en partenariat avec Iconem.

Perçu comme un projet d’été (car plus ludique qu’une exposition classique), l’IMA avait alors pour ambition d’attirer un public plus familial et touristique, avec l’avantage que l’Egypte antique est un thème qui attire beaucoup de monde de tous les âges. En conséquence, un plan de communication ambitieux a été mené, avec une difficulté néanmoins : compliqué de faire comprendre exactement en quoi consiste une expérience VR et immersive. 

Ainsi, une grande partie du public a bénéficié de l’effet de surprise, de nombreux visiteurs ne s’attendaient pas à être équipés de casques VR ni d’un sac-à-dos contenant un ordinateur (et n’auraient peut-être pas fait l’expérience s’ils l’avaient su). Pour autant, ils ont été finalement subjugués par l’expérience et par la qualité du contenu. Ce fut notamment le cas pour des grands-parents venus avec leurs petits-enfants (50% des visiteurs avaient plus de 50 ans, 65% sont venus en famille, 94% de taux de satisfaction). Un public relativement proche des visiteurs habituellement accueillis à l’IMA.

Soufiane Bencharif a néanmoins relevé quelques points de vigilance pour accueillir ce type d’expériences immersives, entre autres : 

  • La question de la tarification : elle a beaucoup fait débat à l’IMA qui porte une volonté d’accessibilité de sa programmation, notamment envers les publics du champ social (l’expérience a été proposée pour les plus jeunes via leur pass culture) ;
  • L’organisation de l’accueil des publics : l’équipement des visiteurs, la gestion l’entretien et l’entretien des casques (batteries, nettoyage) peuvent générer des temps d’attente importants ;
  • Le matériel peut être, parfois, inadapté à certaines catégories de public ;
  • Enfin, l’importance de mettre en place un sas de décompression à l’issue de l’expérience, afin d’offrir un retour à la réalité en douceur pour les visiteurs.

La question des aménagements tarifaires évoquée dans le cadre de Kheops est particulièrement essentielle pour en favoriser l’accessibilité. Cette accessibilité peut aussi être développée par des approches plus nomades et territoriales à l’instar de l’Immersive Art Box pour chercher des publics éloignés des grandes agglomérations et des propositions culturelles immersives. 

Créer une offre culturelle nomade et éco-responsable (Michael Couzigou, Immersive Art Box). 

Michael Couzigou a présenté son projet d’Immersive Art Box. Selon lui, l’offre culturelle immersive, trop concentrée sur Paris, nécessite de créer une offre culturelle immersive de proximité. Par ailleurs, beaucoup de villes cherchent à redynamiser leur centre-ville, ce qui peut passer par l’action culturelle.

 L’idée de l’Immersive Art Box est donc de développer un espace immersif mobile, temporaire ( 1 à 2 mois / location) et éco-responsable, qui proposerait des expériences d’une cinquantaine de minutes au public local. 

Concept graphique de l’Immersive Art Box, © New Art Experiences

Cette box d’environ 600 m² serait entièrement dédiée à l’immersion, et nécessiterait donc d’utiliser de nouveaux outils, de travailler sur des formats hors-cadre avec des personnes qui aient une vision de réalisation à 360° (ce qui existe déjà dans les mondes du jeu vidéo et de la VR). 

Enfin, cette box serait conçue avec une ambition écologique et sociale : une construction la plus respectueuse possible de l’environnement, un transport vert et un objectif de réinsertion par l’emploi en formant du personnel d’accueil du public dans chaque ville visitée. 

 Ainsi, l’Immersive Art Box ambitionne d’apporter la culture à des publics qui n’y ont que trop peu accès pour le moment, sous la forme d’expériences immersives, avec également l’intention de redynamiser des territoires autour d’une programmation culturelle événementielle. Art Explora  est en train aussi de développer des offres nomades avec MuMo et son catamaran Art Explorer, tout en envisageant une programmation et des publics ciblés très spécifiques.

Diversifier les modèles de diffusion d’offres culturelles immersives (Philippe Rivière, Art Explora).

Comme rappelé en introduction par Philippe Rivière, Art Explora est une fondation qui porte des missions d’intérêt général, en particulier l’accès à la culture du plus grand nombre et le soutien à la création contemporaine. 

 C’est dans cette optique que le camion MuMo (Musée Mobile) x Centre Pompidou a été relancé en juin dernier pour s’installer sur les places publiques afin de proposer une véritable proximité avec les œuvres (entre 20 et 25 œuvres par exposition). Le MuMo en est déjà à sa deuxième exposition (chaque exposition sont présentées dans 4 à 5 régions de France). 

Le MuMo, un camion-musée mobile qui sillonne les régions françaises.

Art Explora est également en train de développer l’Art Explorer : un projet de catamaran-musée qui présentera une exposition immersive dans les 20 ports de 15 pays méditerranéens. 

Par ailleurs, ce voilier sera accompagné d’un village culturel qui proposera des expositions d’art contemporain sur des thématiques propres à l’itinérance. Ainsi, l’arrivée du bateau sera l’occasion de développer un véritable « festival culturel co-créé avec des artistes locaux dans chaque pays », afin de mettre en valeur la scène locale, de travailler avec des commissaires locaux ou des institutions locales. 

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Art Explorer, un projet de catamaran-musée porté par Art Explora.

 6 mois avant l’arrivée du bateau, Art Explora va à la rencontre des réseaux associatifs, des ONGs et des pouvoirs publics pour s’ancrer sur les territoires et diversifier les publics intéressés par la programmation culturelle développée sur le port et dans le catamaran. De plus, Art Explora a pour ambition de s’inscrire dans le long-terme avec ces populations, notamment via une académie en ligne : Art Explora Academy. 

 Pour montrer les spécificités de ces différentes offres nomades, une troisième expérience peut être évoquée pour mieux montrer les spécificités de chacune d’elles : les Micro-Folies. 

Développer des espaces numériques sur tout le territoire et à l’international (Adryaan Martins, Micro-Folie).

Micro-Folie est un dispositif de politique culturelle créé en 2017, porté par le Ministère de la Culture et coordonné par La Villette, avec la volonté d’amener les trésors culturels de la nation sur tout le territoire car « la Joconde et Versailles n’appartiennent pas aux parisiens et aux versaillais ». 

 Pour ce faire, La Villette a créé un musée numérique, dont l’installation nécessite seulement : 

  • Un espace de 100 m²
  • Une connexion internet
  • Une prise de courant
  • Un médiateur
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Les micro-Folies, un musée numérique pour animer les territoires.

Le musée numérique Micro-Folie est aujourd’hui le plus grand catalogue d’œuvres d’art en France, avec 2 600 œuvres répertoriées. Afin de choisir ces œuvres, Micro-Folie collabore très étroitement avec de nombreuses institutions culturelles. Deux critères principaux entrent en jeu pour la sélection : l’intérêt scientifique et artistique de l’œuvre, mais également la qualité de la numérisation que les musées proposent. 

L’objectif de Micro-Folie est également d’animer les territoires en se reposant sur la vie associative, voire en en créant une, et de favoriser la création, à travers l’accueil d’artistes notamment. 

Comme nous l’a expliqué Adryaan Martins, deux modes d’accès au musée numérique sont disponibles. Un « mode libre » qui permet de reproduire la déambulation dans un musée et d’obtenir plus d’informations sur des œuvres qui piquent notre intérêt, et un « mode conférencier », qui s’adresse plus au public scolaire, et permet au médiateur-conférencier de créer sa propre collection afin de faire découvrir l’Histoire de l’Art aux plus jeunes. 

Déjà 350 micro-folies ont été déployées en France, et La Villette a un objectif de 1000 micro-folies déployées d’ici 2024. 

Ces quatre projets sont de bons exemples de la façon dont des expériences immersives peuvent être des vecteurs d’attractivité, pour des lieux et des territoires, mais aussi comment ces expériences peuvent servir le développement des publics, que cela soit pour attirer un public différent dans un lieu ou bien pour aller chercher des publics éloignés de la culture à l’aide de dispositifs numériques immersifs, itinérants ou non. 

 

Maxime Bohn