Les Rencontres Internationales de la Culture, de la Connaissance et de l’Immersif (RICCI), tenues à Épinal, les 13, 14 et 15 octobre, ont rassemblé plus de 200 professionnels, artistes, et institutionnels, avec pour objectif de réfléchir à la transmission et à la diffusion des œuvres numériques vers de nouveaux publics (voir le programme).
Introduit par Martine Lizola (Région Grand Est) et Patrick Nardin (Maire d’Épinal), l’événement a mis l’accent sur trois thématiques principales : l’adaptation des œuvres littéraires en projets numériques, l’intégration des jeux vidéo dans les lieux culturels, et l’usage de la créativité numérique dans les domaines de l’art, de la science et de la santé. À travers conférences, retours d’expérience et sessions de networking, les RICCI ont révélé une réalité : l’hybridation des contenus culturels, bien que porteuse d’innovations, ne va pas de soi. Elle exige des approches adaptées, une médiation renforcée et des synergies inédites entre des secteurs souvent cloisonnés. Les défis ne se limitent pas à la création : ils traversent aussi les phases de production, diffusion et pérennisation des projets.
L’objectif de ces rencontres ? Identifier les bonnes pratiques pour accompagner cette mutation et garantir une diffusion optimale des œuvres hybrides.
Retour en images de ces rencontres organisées par le Planétarium d’Épinal et la ville d’Épinal, avec le soutien de la région Grand Est et en partenariat avec {CORRESPONDANCES DIGITALES].
Quand littérature, jeux vidéo et créativité numérique réinventent la narration : quelles promesses, quels défis ?
(Re)découvrez les contenus de cette première matinée.
Transmettre la créativité numérique : de la littérature aux expériences immersives inspirées d’œuvres
Dans un monde où les frontières entre le réel et le virtuel s’estompent, l’adaptation des œuvres littéraires en projets numériques représente bien plus qu’une simple évolution technologique : c’est une réinvention de la manière dont nous racontons et consommons les histoires. Cécile Pasulinski, fondatrice de Numered et pionnière dans le domaine de la création numérique, a ouvert cette keynote en posant une question fondamentale : Comment transformer un livre, objet statique et intime, en une expérience immersive, collective et interactive, tout en préservant son essence ?

À travers des exemples concrets et une analyse des enjeux, elle a démontré que cette adaptation ne se limite pas à une transposition technique, mais engage une réflexion profonde sur la narration, les droits, l’éthique, et les modèles de diffusion.
Ces cinq projets illustrent de manière concrète comment la littérature et la bande dessinée sont adaptées au numérique, en exploitant des technologies immersives variées (réalité augmentée (AR), réalité virtuelle (VR), vidéo mapping, expérience multisensorielle) pour renouveler l’expérience utilisateur et attirer de nouveaux publics et proposer des oeuvres dans dans des nouveaux lieux. Des projets comme le projet VR Wandlung, adaptation VR des Métamorphoses de Kafka, The Under, Tempest Shakespeare et Neo Wasteland utilisent la Réalité Virtuelle (VR) pour transformer le spectateur ou le lecteur en acteur explorant une narration interactive en 3D, tandis qu’Aqua Alta marie l’artisanat du livre pop-up avec la Réalité Augmentée (RA) pour une expérience sensorielle hybride. L’exposition Tintin : The Immersive Adventure, utilisant le mapping sur 1600 m², et Jules Verne VR visent, pour leur part, à redonner le goût des classiques par le spectacle et l’immersion.

Ces initiatives, bien que riches en innovation, soulèvent des enjeux transversaux majeurs identifiés par Cécile Pasulinski, notamment le respect des droits d’auteur, l’impératif de l’éco-conception, la nécessité de sécuriser des financements via de nouveaux modèles économiques, et le défi de la diffusion itinérante des œuvres au-delà des festivals, des problématiques qui exigent une approche transdisciplinaire entre créateurs, développeurs, juristes et médiateurs culturels.
Faire de la créativité numérique une matière adaptée à la création littéraire : enjeux, limites et perspectives
À l’ère des écrans et des expériences immersives, la littérature explore de nouvelles formes d’expression. Comment concilier l’intimité du livre avec l’interactivité du numérique ?
La conférence « Faire de la créativité numérique une matière adaptée à la création littéraire » a réuni trois porteurs de projets, chacun accompagnant, à sa manière, la création littéraire et sa diffusion : Pascal Perrault (Directeur Général – Centre National du Livre), Anaïs Febvre (Responsable du secteur Musique et Images de la Bibliothèque Multimédia Intercommunale d’Épinal) et Morgane Batoz-Herges (Directrice-Adjointe de la Maison Européenne Des Auteurs et des Autrices – MEDAA) – pour interroger cette alliance entre lecture et innovation. Face à cette situation, des approches très diversifiées sont proposées : le Centre National du Livre souhaite développer un dispositif d’adaptation de l’œuvre littéraire vers un projet numérique pour lui permettre une meilleure lisibilité et, in fine, attirer le public vers le livre papier, la MEDAA et la BMI sont plus dans des approches d’expérimentations et d’accompagnement individuels auprès des auteurs, avec les auteurs.
Développer des œuvres immersives pour (re)donner le goût de la lecture – Pascal Perrault, Directeur Général du Centre national du Livre (CNL)

Deux études sont à disposition sur le site du CNL :
- Les français et la lecture en 2025.
- Étude sur les adaptations cinématographiques et audiovisuelles françaises d’œuvres littéraires.
Pascal Perrault a présenté l’initiative audacieuse du Centre national du Livre (CNL) pour lutter contre la baisse de la lecture chez les 15-25 ans, un jeune Français sur cinq ne lisant jamais, d’après le rapport étudiant le rapport des jeunes français à la lecture en 2024. Face à ce constat, le CNL a lancé un projet pilote en coproduction avec Lucid Realities visant à utiliser la réalité virtuelle (VR) pour créer des passerelles vers la lecture, et non pour remplacer le livre. L’objectif est d’éveiller la curiosité des adolescents éloignés de la lecture en les plongeant, durant 20 minutes, au cœur de l’univers de quatre œuvres choisies pour leur résonance thématique :
- Un barrage contre le Pacifique (Marguerite Duras)
- Madeleine, Résistante (Bertail, Morvan, Riffaud)
- La Nuit des temps (René Barjavel)
- La vie devant soi (Romain Gary)
« Ces œuvres ont été choisies parce qu’elles abordent des thèmes qui résonnent avec les adolescents : la quête d’identité, la justice sociale, l’avenir de la planète… », précise Pascal Perrault.
Ce projet, qui sera diffusé dans des médiathèques, des centres sociaux et des espaces commerciaux (FNAC, Cultura,…), repose sur un modèle économique de licences payées par les lieux de diffusion, financé par des fonds publics (CNL, Région Grand Est) et des partenariats privés.
Sa mise en œuvre soulève des défis majeurs, notamment l’apprentissage d’une collaboration entre les mondes de l’édition et de la VR, la complexité des droits d’auteur pour garantir le respect de l’œuvre, et la recherche d’un équilibre créatif pour que l’expérience VR soit une œuvre à part entière tout en suscitant l’envie de lire le texte original. En cas de succès, le CNL prévoit de créer un catalogue d’œuvres immersives et de mener une évaluation rigoureuse pour mesurer l’impact réel sur la lecture.
Ce modèle de valorisation des contenus littéraires par une adaptation numérique immersive permet de toucher un lectorat potentiellement plus développé. La Bibliothèque Multimédia Intercommunale d’Épinal propose un accompagnement individuel aux auteur.ices ce que nous allons découvrir avec la résidence qu’elle organise annuellement.
Organiser des résidences de novellisation : du film au livre : Anaïs Febvre, Responsable du secteur Musique et Images, Bibliothèque Multimédia intercommunale d’Épinal

La Bibliothèque Multimédia Intercommunale d’Épinal, avec le soutien de la Région Grand Est, met en lumière la pratique rare de la novellisation (transformation d’une œuvre audiovisuelle en œuvre littéraire : roman, bande dessinée, roman graphique, etc…) en organisant des résidences d’écriture dédiées, visant à valoriser la création littéraire. Ce projet pilote a accueilli ou accueillera trois autrices – Sophie Loubière (2023), Camille Toussaint (Belgique, 2025) et Elsa Lévy (2025) – qui adaptent des œuvres variées (documentaire sur la mémoire, film d’animation poétique, œuvre sur la transmission). La méthodologie adoptée est participative, intégrant l’arpentage (lecture collective d’extraits) et des rencontres publiques pour enrichir l’écriture par le dialogue, tout en développant une dimension européenne grâce à des partenariats transfrontaliers. Les principaux défis de cette démarche incluent la gestion complexe des droits d’adaptation, la pérennisation du financement public et local, et la recherche de l’équilibre délicat entre la fidélité au film original et la liberté d’interprétation romanesque.
Si la Bibliothèque Multimédia d’Épinal explore les enjeux concrets de la novellisation à travers des résidences d’écriture et des partenariats transfrontaliers, l’accompagnement des auteurs dans l’innovation dépasse largement ce cadre. Comme le montre l’action de la Maison européenne des Autrices et Auteurs (MEDAA), soutenir la création littéraire à l’ère du numérique exige aussi des structures dédiées, capables de lever les obstacles logistiques, juridiques et financiers pour transformer les initiatives créatives en réalités tangibles. Des projets hybrides, mêlant littérature, jeu vidéo, réalité augmentée ou accessibilité, illustrent cette dynamique où l’expérimentation devient un levier de renouvellement pour les récits.
Accompagner la création littéraire dans l’innovation : retours sur différents projets, Morgane Batoz-Herges, Maison européenne des Autrices et Auteurs (MEDAA/Bela, Belgique)

Basée en Belgique, la Maison européenne des Autrices et Auteurs (MEDAA) accompagne les créateurs dans leurs projets innovants, en leur apportant un soutien logistique, juridique et financier. Sa mission : aider les auteurs à expérimenter de nouvelles formes de narration et à concrétiser leurs initiatives à la croisée de la littérature et du numérique.
« Notre rôle est de repérer les talents, de les accompagner dans leurs démarches et de leur donner les moyens d’aller au bout de leurs idées », résume Morgane Batoz-Herges.
À travers plusieurs exemples, elle illustre la richesse de ces démarches créatives :
- 30 Birds Coline Sauvand & Laurent Toulouse (Découvrez le projet): un jeu vidéo dessiné à la main, inspiré de la miniature persane. Soutenu par la RTBF, le projet a trouvé sa visibilité grâce à des plateformes alternatives et des festivals spécialisés.
- Installation poétique en réalité augmentée Coline Sauvand & Maxime Coton : une œuvre installée en bibliothèque, où le public découvre des poèmes augmentés via une application. Un dispositif de médiation numérique et des tablettes en libre accès ont permis de faciliter la rencontre avec l’œuvre.
- Des livres à caresser : un projet de livres tactiles et sensoriels, destinés aux publics en situation de handicap. La MEDAA y associe conservateurs et designers pour garantir accessibilité et durabilité.
Plusieurs éléments à retenir de ces trois interventions :
- Les expériences immersives, comme celles portées par le CNL, réveillent l’intérêt pour la lecture chez les jeunes en créant des passerelles entre numérique et livre, sans remplacer l’acte de lire.
- Les résidences de novellisation et le dialogue entre médias (littérature, cinéma) offrent de nouvelles perspectives créatives, tout en soutenant les autrices.
- Enfin, l’accompagnement des auteurs par des structures comme MEDAA est essentiel pour démocratiser l’innovation et garantir la diffusion de projets audacieux, accessibles à tous.
Ces projets mettent en lumière plusieurs enjeux majeurs de l’innovation littéraire.
D’abord, la conservation des œuvres numériques : beaucoup disparaissent faute de maintenance ou de compatibilité technologique. Il faut donc anticiper leur archivage.
Ensuite, la question des modèles économiques : les auteurs rencontrent souvent des difficultés à vivre de leurs créations numériques, d’où la nécessité de combiner subventions, financement participatif et partenariats privés.
S’ajoutent les besoins en formation : la MEDAA organise des ateliers pour aider les auteurs à maîtriser les outils interactifs, et la diffusion transfrontalière, rendue possible grâce à des réseaux comme Livr’Est, qui favorisent les échanges entre la France, la Belgique et le Luxembourg.
Limites et enjeux mentionnés :
Les projets littéraires et numériques, indissociables, nécessitent une confiance renforcée dans leur potentiel. Pourtant, des œuvres comme Bleu de Toi disparaissent faute d’archivage, tandis que l’effritement des réseaux (fédérations, lieux d’échange) et la précarité des plateformes menacent leur diffusion. Les petits réseaux, souvent plus agiles, restent vertueux pour toucher des publics.
Pour pérenniser ces initiatives, il faut veiller aux montages de coproduction, s’appuyer sur l’entrepreneuriat culturel, et accepter que certaines expérimentations ne trouvent pas leur audience.
Face à ce constat, les modèles plus traditionnels de création littéraire semblent rester les plus plébiscités par les auteur.ice.s.
Ces premières conférences ont donné ensuite lieu à des pitchs portés sur des projets inspirants de création et d’adaptation littéraire.
Projets de création et d’adaptation littéraires à la croisée de la créativité numérique
On observe que la création littéraire et artistique se développe via une multitude de formats et d’approches, rendant poreuse les limites entre les disciplines. Des éditeurs comme Tadam fusionnent graphisme et motion design pour repenser l’objet-livre, tandis que des studios comme Novaya investissent la réalité mixte dans l’adaptation d’oeuvre, transformant l’espace physique en terrain de narration immersive. Plus avant-gardiste encore, des collectifs tels que CROSSLUCID explorent les potentialités de l’IA générative, non comme un outil de substitution, mais comme un partenaire créatif au service de récits inédits.
Ces conférences ont été suivies par des présentations de projets inspirants hybridant créativité numérique et littéraire. Ce fut l’occasion de découvrir des initiatives portées par des écoles, des entrepreneurs et des artistes locaux comme internationaux.
Développer des projets à la croisée du texte et de la créativité numérique : retours d’expériences de l’ESAL, Mélanie Poinsignon (enseignante) et Pierre Mécheriki (étudiant en 3e année) – École Supérieure d’Art de Lorraine (ESAL)

À l’École Supérieure d’Art de Lorraine (ESAL), les étudiants, sous la direction de Mélanie Poinsignon, explorent de manière concrète l’intersection entre le texte et la créativité numérique. Ces initiatives se traduisent par des projets variés, comme l’élaboration d’un mapping monumental pour la place des Vosges, où le texte est intégré au motion design, la création de livres personnels édités par le studio édition « La nef des fous, » ou encore le studio adaptation, où un texte existant est réinterprété graphiquement tout en respectant son esprit original. Les étudiants sont ainsi confrontés à deux défis majeurs : maintenir la fidélité au texte tout en exerçant une réinterprétation créative, et développer une interdisciplinarité essentielle pour leur future carrière, en apprenant à travailler conjointement le texte, l’image et le son.
Produire un ouvrage jeunesse sonore et interactif : la collection Tadam, par Robin Pfrimmer, Producteur

La collection Tadam, présentée par Robin Pfrimmer, vise à revitaliser la lecture partagée entre parents et enfants, un rituel en déclin, en proposant une collection de livres jeunesse sonores et interactifs. Le concept repose sur l’association d’un livre physique et d’une application mobile qui déclenche automatiquement des effets sonores et des illustrations animées, synchronisés avec la lecture. Cette approche vise à rendre le moment de l’histoire plus « engageant et magique » pour l’enfant. Les principaux défis de Tadam sont d’assurer un équilibre entre technologie et simplicité pour garantir une expérience intuitive aux parents, et de réussir la diffusion de ces livres hybrides en collaborant étroitement avec les éditeurs et les librairies jeunesse.
Adapter une œuvre immersive à partir d’un livre : l’exemple de Noire de Tania de Montaigne, Emanuela Righi, Co-fondatrice, Novaya (découvrir le projet diffusé au Centre Pompidou).

Le studio Novaya, par l’intermédiaire d’Emanuela Righi, a adapté le livre « Noire » de Tania de Montaigne en une expérience immersive unique, visant à faire revivre l’histoire de Claudette Colvin, adolescente qui a refusé la ségrégation dans un bus en 1955, neuf mois avant Rosa Parks. Grâce à des lunettes HoloLens, les visiteurs sont plongés dans le quotidien de la ségrégation et entendent des discours de figures historiques comme Martin Luther King, permettant de ressentir l’oppression et la résistance de l’intérieur.
Les principaux défis de ce projet, créé initialement pour le Centre Pompidou, sont de garantir la fidélité historique par la collaboration avec des historiens, d’assurer sa diffusion itinérante auprès d’un large public, et de développer des versions adaptées pour l’usage scolaire en cours d’histoire.
Créer une œuvre d’art numérique à partir d’une nouvelle : Vaster than Empires – CROSSLUCID (Luxembourg)

Le collectif CROSSLUCID a présenté « Vaster than Empires », une œuvre d’art numérique immersive inspirée d’une nouvelle de science-fiction, conçue pour explorer la frontière entre le réel et le virtuel et questionner la perception de l’espace et du temps. Le projet plonge le spectateur dans un univers onirique grâce à des projections immersives et des interactions tactiles, permettant aux visiteurs de modifier la narration en temps réel.
Les principaux défis pour CROSSLUCID ont été le développement d’outils technologiques spécifiques pour garantir une interactivité fluide, ainsi que l’amélioration de l’accessibilité de l’œuvre à tous les publics, y compris aux personnes en situation de handicap.
À l’heure où les frontières entre littérature et jeux vidéo s’estompent, les modèles narratifs se réinventent sous l’impact de la créativité numérique. Que ce soit à travers des adaptations littéraires enrichies par l’interactivité, ou des créations originales où le récit se déploie dans des univers ludiques, ces hybridations questionnent la façon dont on raconte une histoire. La littérature emprunte aux mécaniques du jeu (immersion, choix multiples), tandis que le jeu vidéo s’inspire de la profondeur des récits littéraires, ouvrant un champ d’expérimentations où le lecteur-joueur devient acteur de la narration.
Les échanges de la matinée, consacrés à l’hybridation entre innovation numérique et littérature, ont mis en lumière la manière dont les récits se réinventent à travers l’interactivité et les mécaniques ludiques, brouillant les frontières entre le livre et le jeu. Pour prolonger cette réflexion sur les croisements entre création et technologies, l’après-midi s’est ouvert avec l’intervention d’Olivier Mauco, président de l’Observatoire Européen des Jeux Vidéo. Son propos a recentré le débat sur l’intégration des jeux vidéo au sein des institutions culturelles, soulignant leur statut de médium narratif et artistique incontournable, mais aussi les défis concrets que pose leur reconnaissance.
Ouvrir les jeux vidéo à une diffusion dans les lieux culturels institutionnels – Olivier Mauco, Président, Observatoire Européen des Jeux Vidéo

Olivier Mauco (Président de l’Observatoire Européen des Jeux Vidéo) a plaidé pour l’intégration des jeux vidéo, un média majeur touchant 50 % de la population européenne, au sein des institutions culturelles.
Celui-ci a défendu les jeux comme une forme d’expression artistique et narrative à part entière, citant des titres comme Disco Elysium ou The Last of Us, et a souligné la croissance exceptionnelle du secteur. Cependant, cette intégration se heurte à un manque de légitimité institutionnelle, à des contraintes techniques (équipements VR) et logistiques (médiation interactive), ainsi qu’à des problèmes juridiques liés à l’obsolescence numérique.
Des initiatives pionnières dans les musées montrent toutefois la place légitime des jeux vidéos dans la muséographie : le MoMA à New York a intégré des jeux dans sa collection permanente ; le Centre Pompidou et son projet Prisme 7 ; la Cité des Sciences proposent des expositions et ateliers dédiés ; tandis que la Gaîté Lyrique ou le ZKM.

Pour avancer, Olivier Mauco a appelé à une refonte de la médiation culturelle (zones et médiateurs spécialisés), à une coopération renforcée entre tous les acteurs, et à une volonté de converger les initiatives en présentant les jeux vidéo comme des médias narratifs, des outils pédagogiques, et des vecteurs de lien social, tout en anticipant l’évolution des formes d’expression liées à la VR et l’IA.
« Les jeux vidéo peuvent être un formidable outil de médiation culturelle, à condition de savoir les présenter », conclut Olivier Mauco.

L’intervention d’Olivier Mauco à repenser la médiation pour ancrer les jeux vidéo dans les lieux culturels prend tout son sens avec des initiatives comme celles d’Innerverse. Leur approche montre comment le jeu vidéo s’invite dans les musées, médiathèques et festivals : par des éditions hybrides (jeux de société adaptés), des ateliers éducatifs, ou des dispositifs interactifs conçus pour l’espace public. Une preuve que le jeu peut devenir un outil de médiation vivant, entre écran et réalité.
Créer des expériences ou des expositions d’œuvres vidéoludiques en lien avec des lieux d’exposition
Accédez aux contenus de ces trois conférences.
Développer des projets de médiation culturelle hybrides entre jeux vidéo et jeux de société avec Thierry Etlicher et Damien Becret, Co-gérants, Innerverse

La société coopérative Innerverse, basée à Reims, se spécialise dans la création de jeux hybrides mêlant jeux vidéo et jeux de société, dans le but de proposer des expériences intergénérationnelles. Thierry Etlicher et Damien Becret ont présenté deux exemples concrets de cette démarche, visant principalement la médiation culturelle et éducative : Biosmose, un jeu initialement Steam axé sur la biodiversité et adapté avec une durée réduite pour les ateliers éducatifs, et World of Legends, un jeu de société conçu avec des psychologues pour sensibiliser les jeunes aux risques liés à l’usage des écrans.

Les principaux défis d’Innerverse résident dans l’adaptation de leurs jeux vidéo pour un usage en médiation, la recherche de partenaires culturels pour la diffusion dans les institutions (musées, médiathèques), et la formation des médiateurs pour animer efficacement des ateliers autour de ces outils ludiques et pédagogiques.
Produire une exposition dédiée aux jeux vidéo et animer une programmation culturelle dédiée avec Zoe Stillpass, Chargée de recherches de l’exposition « Worldbuilding », Centre Pompidou Metz

Le Centre Pompidou Metz a organisé l’exposition « Worldbuilding« , visant à affirmer le jeu vidéo comme un média artistique et culturel à part entière. Présentée par Zoe Stillpass, cette exposition transgénérationnelle explore la manière dont les artistes contemporains s’approprient l’esthétique et la technologie du jeu pour leur expression.
« Worldbuilding » proposait une sélection de jeux indépendants, des créations artistiques inspirées par les jeux, des installations interactives permettant aux visiteurs de jouer et de découvrir les coulisses de la création, ainsi que des rencontres avec des développeurs. L’exposition a également intégré une démarche d’éco-conception en réutilisant la muséographie d’une précédente installation.

Les principaux défis rencontrés étaient de rendre les jeux vidéo accessibles à un public non initié, de trouver l’équilibre juste entre l’exposition d’œuvres et l’interaction, et de réussir la collaboration avec les studios de développement.
Créer des installations dans une variété de lieux de diffusion au-delà des écrans avec Néon Minuit, duo d’artistes

Le duo d’artistes Néon Minuit crée des installations interactives et des expériences immersives en utilisant la réalité augmentée, les projections et les interfaces tactiles, avec pour ambition de sortir le jeu vidéo et les expériences numériques des écrans pour les intégrer dans l’espace public et les lieux culturels. Leurs réalisations incluent l’installation Hétérotopia, qui explore les frontières entre réel et virtuel via des miroirs et projections, des mappings sur monuments historiques mêlant patrimoine et numérique, et des nuages interactifs permettant l’interaction visuelle et sonore.
Les principaux défis de Néon Minuit résident dans l’adaptation technique de leurs installations à la diversité des lieux d’accueil, l’assurance de leur accessibilité au plus grand nombre, et la recherche de financements pour leurs créations.
Avec des installations comme Hétérotopia ou leurs mappings sur monuments historiques, Néon Minuit prouve que le jeu vidéo et le numérique peuvent s’affranchir des écrans pour investir l’espace public et les lieux culturels, transformant le patrimoine en terrain de jeu immersif. Mais comment généraliser cette approche ? C’est précisément la question au cœur de la conférence organisée avec East Games, qui a exploré les multiples façons de faire du jeu vidéo une matière vivante au sein des institutions – qu’il s’agisse d’expositions, de festivals, ou de dialogues inédits entre architecture et narration interactive.
Faire du jeu vidéo la matière d’une diversité d’expériences culturelles dans les lieux institutionnels

Cette conférence, organisée en collaboration avec East Games, a exploré comment les jeux vidéo peuvent enrichir l’offre culturelle des lieux institutionnels, en créant des liens entre jeu vidéo, architecture, festivals et expositions.
Développer des liens entre jeu vidéo et architecture avec Minecraft avec Christophe Huon, Studio 3DxC

Le Studio 3DxC, par la voix de Christophe Huon, utilise le jeu Minecraft comme un outil ludique et interactif pour sensibiliser le public à l’architecture et au patrimoine. Le studio se spécialise dans la recréation de monuments historiques en 3D.
Parmi ses projets emblématiques figurent Chambord 2050, une version virtuelle du Château de Chambord imaginant son évolution future, et une exposition pour le Musée des Beaux-Arts de Nancy permettant aux visiteurs d’explorer des œuvres d’art directement dans l’environnement Minecraft.
Développer un festival dédié aux jeux vidéo à contrôleur alternatif et indépendants : l’exemple de Random Bazar avec Henri Morawski, Random Bazar

Random Bazar est un festival se déroulant à Strasbourg, exclusivement dédié aux jeux vidéo indépendants qui se distingue par une programmation variée et inclusive.
Le festival met l’accent sur les contrôleurs alternatifs (manettes en bois, interfaces tactiles) pour réinventer l’interaction ludique, propose une sélection de jeux indépendants créatifs et innovants, et organise des ateliers et rencontres pour permettre au public d’échanger directement avec les développeurs et de découvrir les coulisses de la création.
Créer des expositions et événements autour du jeu vidéo, avec Fabrice Lourie, Chef de projet jeu vidéo, Universcience

Fabrice Lourie, représentant Universcience (notamment la Cité des Sciences), utilise les jeux vidéo comme un « formidable outil » pour rendre les concepts scientifiques accessibles et ludiques. Ses projets s’inscrivent dans une démarche de médiation interactive, notamment avec l’organisation de la « Game Jam des étoiles » – un hackathon où les développeurs créent des jeux sur le thème de l’astronomie – et la mise en place d’expositions interactives où les visiteurs peuvent jouer pour appréhender des phénomènes scientifiques complexes. Les principaux défis de cette approche sont de :
- Rendre les jeux accessibles à tous les publics, y compris ceux qui n’ont pas l’habitude de jouer;
- Collaborer avec les scientifiques pour garantir la rigueur des contenus présentés;
- Donner vie aux projets créés, notamment la difficulté de pérenniser les jeux développés lors d’événements comme le hackathon.
Créer des expériences immersives et éducatives autour de la science, avec Raphaël Granier de Cassagnac, Chercheur au CNRS et fondateur de SciFun Games
Raphaël Granier de Cassagnac, chercheur au CNRS et fondateur de SciFun Games, développe des jeux vidéo éducatifs dans le but de populariser la science de manière accessible et amusante, en particulier auprès des jeunes publics.

Ses projets emblématiques incluent :
- Exographer : un jeu axé sur les particules élémentaires et la physique des particules, conçu pour être utilisé dans les écoles et les musées comme outil d’initiation scientifique.
- Metaverse des Musées : un projet de visite virtuelle permettant aux visiteurs d’explorer des collections de musées en réalité virtuelle, offrant une expérience à la fois immersive et éducative.
Ces initiatives partagent des enjeux et défis cruciaux :
- Rendre la science accessible : l’équipe doit trouver un équilibre délicat entre la rigueur scientifique du contenu et son accessibilité ludique pour le grand public.
- Collaborer avec les institutions : un travail étroit est mené avec les musées et les écoles pour intégrer les jeux dans leurs programmes éducatifs.
De manière plus générale, ces projets sont coûteux et nécessitent des financements diversifiés, tout en cherchant à atteindre une large accessibilité par la collaboration avec les institutions culturelles et scientifiques.
Alors que les jeux vidéo redéfinissent les frontières entre culture, patrimoine et innovation, la deuxième journée des RICCI a élargi la réflexion vers un autre terrain d’hybridation : celui qui unit les arts et les sciences. Ici, la créativité numérique ne se contente plus de raconter des histoires ou d’animer des espaces – elle devient un langage commun pour explorer des enjeux scientifiques, rendre tangibles des concepts abstraits, ou encore créer des ponts entre recherche, art et société. Une approche où l’immersion ne sert plus seulement le divertissement, mais aussi la compréhension, la sensibilisation et l’expérimentation collective.
Croiser arts, sciences, éducation et santé : quels impacts de la créativité numérique sur les pratiques et les publics ?
Faire des projets entre arts, sciences, éducation et créativité numérique sous dôme – Cyril Birnbaum, Directeur du planétarium, Universcience
Faire des projets entre arts, sciences, éducation et créativité numérique sous dôme – Cyril Birnbaum, Directeur du planétarium d’Universcience, a su transformer cet espace en un lieu de convergence interdisciplinaire où se croisent les arts, les sciences, l’éducation et la créativité numérique. Grâce à la révolution technologique, le dôme à 360 degrés est devenu un « écran » immersif permettant de créer des environnements, des spectacles interactifs et des expériences éducatives innovantes pour des publics variés (scolaires, familles, adultes). Parmi les projets phares, Cyril Birnbaum a développé des initiatives en lien direct avec les sujets de cette édition des RICCI : une adaptation d’un livre jeunesse sous dôme, explorant les passerelles entre littérature et immersion numérique, ainsi que des collaborations avec le festival Sous dôme, où arts numériques et sciences se rencontrent pour offrir des expériences uniques. Il a également impulsé des Game Jams, comme la Game Jam des étoiles, qui stimulent la création de jeux vidéo mêlant science, narration et interactivité, révélant ainsi de nouveaux talents.
Le planétarium se positionne comme un laboratoire d’innovation culturelle à travers des projets emblématiques comme « Le Ciel au Moyen Âge » (2014), qui a intégré une approche historique et artistique à la science, ou l’accueil régulier de résidences d’artistes et l’organisation de hackathons. Ces initiatives visent à stimuler la création hybride et l’émergence de nouveaux talents. La création sous dôme présente néanmoins des défis techniques spécifiques liés à la résolution et à l’interactivité sur une surface courbe. Elle soulève également des enjeux de médiation et d’accessibilité pour rendre l’expérience spectaculaire compréhensible par tous, nécessitant la formation des médiateurs. Enfin, ces projets exigent des financements importants et des partenariats variés avec des institutions culturelles et de recherche.
En perspective, Cyril Birnbaum appelle à faire du planétarium un laboratoire de création et d’expérimentation et à la création d’un réseau pour mutualiser les ressources, confirmant le rôle clé du dôme dans la diffusion de la culture scientifique et artistique de demain. « Le dôme est bien plus qu’un écran : c’est un lieu où se croisent les savoirs, les arts et les émotions », conclut-il.
Cyril Birnbaum, Directeur du planétarium d’Universcience, a exposé la transformation des planétariums en espaces de convergence interdisciplinaire où se croisent les arts, les sciences, l’éducation et la créativité numérique. Grâce à la révolution technologique, le dôme à 360 degrés est devenu un « écran » immersif permettant de créer des environnements, des spectacles interactifs, et des expériences éducatives innovantes pour des publics variés (scolaires, familles, adultes). Le planétarium se positionne comme un laboratoire d’innovation culturelle à travers des projets emblématiques comme « Le Ciel au Moyen Âge« (2014), qui a intégré une approche historique et artistique à la science, ou l’accueil régulier de résidences d’artistes et l’organisation de Game Jams/hackathons (comme la Game Jam des étoiles). Ces initiatives visent à stimuler la création hybride et l’émergence de nouveaux talents.
Faire de la création numérique une matière pour expérimenter, créer et exposer des projets entre arts et sciences

À l’ère du numérique, les frontières entre arts et sciences s’estompent, ouvrant la voie à des projets hybrides où créativité et innovation se mêlent. Cette conférence, organisée en collaboration avec le planétarium d’Épinal, a exploré comment les planétariums, musées et centres culturels deviennent des laboratoires d’expérimentation, où artistes, scientifiques et médiateurs collaborent pour créer des expériences immersives, éducatives et artistiques.
Mettre en place une résidence à la croisée de la science et des arts dans les planétariums par Didier Mathieu, Président, Association des planétariums de France
Les planétariums sont en pleine transformation, évoluant de lieux d’astronomie à de véritables laboratoires d’innovation et de création interdisciplinaire, comme l’explique Didier Mathieu. Ces espaces immersifs facilitent la collaboration entre artistes et scientifiques via des résidences, permettant de fusionner arts visuels, musique, narration et sciences pour offrir des expériences uniques. D’après l’OCIM, on recense aujourd’hui 23 grands planétariums et 173 petits planétariums en France, auxquels s’ajoutent plusieurs planétariums itinérants sillonnant le territoire. En 2006, l’ensemble des planétariums adhérents à l’APLF totalisait déjà 1,5 million de visiteurs. Depuis, le nombre de structures fixes comme mobiles n’a cessé de croître, ce qui laisse supposer une progression positive de la fréquentation dans les années suivantes. Un exemple emblématique est « Bébé Symphonique« , une œuvre sensorielle proposée par le planétarium d’Épinal destinée aux tout-petits (de 15 jours à deux ans), conçue avec des compositeurs et des psychologues pour créer une ambiance apaisante autour du cycle jour/nuit. Les principaux défis de cette évolution sont l’adaptation des contenus à des publics variés (bébés, familles, scolaires), la formation des médiateurs pour accompagner ces nouvelles expériences, et la recherche de financements pour soutenir ces projets souvent expérimentaux. La perspective est de développer davantage de résidences transdisciplinaires et de créer un réseau de planétariums pour partager les bonnes pratiques et mutualiser les efforts.
Développer des expositions autour de la créativité numérique avec Marie Piela, Responsable des expositions, Musées scientifiques de la métropole du Grand Nancy

Les musées scientifiques du Grand Nancy intègrent activement la créativité numérique pour enrichir leur médiation scientifique, utilisant jeux vidéo et installations interactives, comme l’a expliqué Marie Piela. L’exposition « Féru de sciences » en est un exemple emblématique, invitant les visiteurs à manipuler des objets et à jouer pour comprendre comment les jeux vidéo modèlent leur perception du monde.
Les défis majeurs de cette approche sont de rendre les contenus numériques accessibles à tous les publics (y compris les non-initiés), de garantir la création d’œuvres originales par la collaboration avec des artistes et développeurs, et d’évaluer l’impact éducatif réel de ces expositions. En perspective, les musées visent à développer des expositions itinérantes et à mettre en place des ateliers de création numérique destinés aux scolaires.
Créer des expériences ludiques et interactives entre arts et sciences, avec Emmanuel Laisné, Chargé de projets, Cosmocité

Cosmocité vise à créer des moments de découverte qui mêlent l’art, la science et l’interactivité en permettant au public de jouer, d’expérimenter et d’apprendre. Cette structure se distingue par une infrastructure numérique ambitieuse, combinant une salle immersive interactive et un dôme dédiés à l’exploration de contenus innovants. Ces équipements, conçus pour offrir des expériences immersives et participatives, servent de support à une politique numérique ouverte et collaborative.
La diversité des partenariats de Cosmocité illustre cette dynamique : des conférences scientifiques organisées en lien avec des institutions comme le CNRS, aux concerts et événements culturels, en passant par des projets éducatifs ou artistiques. Cette approche pluridisciplinaire permet de croiser les savoirs, de démocratiser l’accès aux technologies immersives et de créer des ponts entre science, art et société.
Un exemple de cette approche est l' »Escape Game scientifique« , un jeu qui oblige les participants à résoudre des énigmes en utilisant leurs connaissances scientifiques, abordant ainsi de manière ludique des thèmes complexes comme la physique ou l’astronomie.
Les principaux enjeux et défis pour Cosmocité sont :
- Concevoir des expériences adaptées aux différents niveaux de connaissance du public;
- Former les médiateurs pour guider efficacement le public;
- Trouver un équilibre optimal entre le simple divertissement et l’éducation.
Quant aux perspectives, l’organisation souhaite développer des projets collaboratifs avec les écoles et les centres culturels, et établir des résidences d’artistes pour stimuler l’innovation dans la conception de leurs expériences immersives.
Expérimenter et transmettre pour développer des projets entre arts et sciences innovants avec Manuelle Freire, Doyenne associée, École NAD / UQAC (Canada)

L‘École NAD de Montréal vise à former des « créateurs hybrides » capables de naviguer entre les arts, les sciences et l’innovation numérique, comme l’a expliqué Manuelle Freire. Cette école forme des artistes et des designers à l’usage des technologies numériques. L’école prépare ses étudiants à l’usage des technologies numériques au travers de projets concrets, tel le « Mapping sous dôme », qui consiste à créer des œuvres visuelles et sonores immersives pour les planétariums, mêlant ainsi art et science. Les principaux enjeux de l’École NAD sont de former les étudiants aux nouvelles technologies (comme la réalité virtuelle ou l’intelligence artificielle), de nouer des partenariats avec des institutions culturelles pour diffuser ces projets, et de développer des modèles économiques durables pour ces créations numériques. En perspective, l’école souhaite étendre ses collaborations internationales et créer des plateformes pour le partage d’innovations.
Si les expériences hybrides entre art et numérique ouvrent des perspectives créatives et culturelles, les dispositifs immersifs explorent également des champs d’application bien plus larges. Parmi ceux-ci, le domaine de la santé se révèle particulièrement prometteur : ces technologies, souvent perçues comme des outils de divertissement, y déploient un potentiel innovant, que ce soit pour la thérapie, la rééducation ou encore l’amélioration du bien-être. Cette nouvelle approche interroge ainsi les possibilités offertes par l’immersion numérique au service de la médecine et du soin.
Faire de la créativité numérique une matière pour mieux accompagner et prendre soin des patients et professionnels de santé
Les avancées technologiques ne se limitent pas à transformer notre rapport à l’art ou à la culture : elles ouvrent également des perspectives inédites dans le domaine de la santé. Que ce soit à travers la réalité virtuelle (VR), le vidéomapping, ou encore la médiation culturelle, les différentes formes de créativité numérique contribuent activement à prendre soin – tant des patients que des professionnels de santé.
Ces outils, souvent perçus comme ludiques ou artistiques, révèlent un potentiel thérapeutique, éducatif ou même préventif. Ils permettent de repenser l’accompagnement médical, d’améliorer le bien-être des patients, et de soutenir les équipes soignantes dans leur pratique quotidienne. En croisant innovation technologique et approche humaine, ces dispositifs dessinent une nouvelle vision du soin, plus inclusive et adaptée aux enjeux contemporains.

La créativité numérique ne se limite pas aux domaines de l’art et de la culture. Elle s’invite également dans le monde de la santé, où elle offre des solutions innovantes pour accompagner les patients, soutenir les professionnels de santé et améliorer l’accès à la culture pour tous. Cette conférence a exploré comment les jeux vidéo, les installations immersives et les partenariats innovants peuvent transformer le quotidien des patients et des soignants.
Construire un jeu vidéo avec des professionnels de santé pour accompagner les enfants ayant des troubles du neuro-développement avec Nicolas Gauville, Président, Cats & Foxes – VirtualSociety

L’entreprise Cats & Foxes développe des jeux vidéo éducatifs et thérapeutiques en étroite collaboration avec des professionnels de santé (psychologues, ergothérapeutes), dans le but d’aider les enfants à mieux gérer leur quotidien de manière ludique, selon Nicolas Gauville.
Un exemple marquant est « Virtual Society », un jeu conçu pour les enfants atteints de mucoviscidose, où une peluche interactive est utilisée pour apprendre aux enfants l’utilisation correcte de leur inhalateur, rendant l’expérience à la fois rassurante et ludique. Cats & Foxes travaille également à la création d’une banque de jeux adaptés en ligne pour les professionnels de santé.
Les principaux enjeux et défis de ce type de projet sont :
- Assurer la pertinence médicale des jeux par une collaboration constante avec les professionnels de santé;
- Garantir l’accessibilité des jeux à tous les enfants, quelle que soit leur pathologie ou leur trouble;
- Trouver des financements suffisants pour ces projets coûteux et très spécifiques.
Les perspectives incluent l’extension de la plateforme à d’autres pathologies (comme l’autisme ou le TDAH) et la formation des soignants à l’utilisation efficace de ces nouveaux outils numériques.
Développer des partenariats entre acteurs innovants et culturels pour rendre la culture plus accessible avec Clémence Fontaine (Association JB Thierry / Fablab Les MacGyver)

Clémence Fontaine, Fab Manager de l’Association JB Thiéry / Fablab Les MacGyver, a présenté leur engagement à utiliser le numérique pour rendre la culture accessible aux personnes en situation de handicap. Leur projet emblématique, « V2 Culture et Handicap », consiste à créer des jumeaux numériques et tactiles d’œuvres d’art exposées dans les musées. Cette approche permet aux personnes handicapées de découvrir les œuvres d’une manière adaptée à leurs besoins. Le Fablab privilégie la co-conception, travaillant directement avec les personnes handicapées pour adapter les outils à leurs usages spécifiques.
Les principaux enjeux et défis sont :
- L’adaptation précise des outils aux divers types de handicaps (visuel, auditif, moteur);
- La formation des médiateurs culturels à l’utilisation de ces technologies adaptatives;
- L’obtention de financements pour soutenir ces projets souvent expérimentaux.
Les perspectives incluent l’extension des partenariats avec davantage de musées et d’institutions culturelles, ainsi que le développement d’outils open-source pour faciliter la diffusion de leurs innovations.
Retrouver les sens et le bien-être à l’hôpital avec des projections sensorielles immersives avec Pierre-Yves Toulot, fondateur, Cosmo AV
Pierre-Yves Toulot, fondateur de Cosmo AV, a présenté son travail sur les projections sensorielles immersives visant à améliorer le bien-être des patients hospitalisés en créant des environnements apaisants.
Son projet emblématique, l’« Immersive Health Project », consiste à équiper des chambres d’hôpital de systèmes de projection fonctionnant 24h/24. Ces systèmes créent des environnements génératifs utilisant la lumière, le son et les odeurs pour aider les patients à se détendre et à mieux vivre leur hospitalisation. L’impact de ces projections sur le stress et l’anxiété fait actuellement l’objet d’une étude clinique.
Les principaux enjeux et défis pour Cosmo AV sont d’adapter ces projections aux besoins spécifiques des patients, de former le personnel soignant à l’utilisation de ces outils, et de garantir la durabilité des installations en milieu hospitalier.

En termes de perspectives, l’entreprise vise à étendre son projet à d’autres hôpitaux en France et en Europe et à développer des contenus personnalisables pour chaque patient.
Créer des projets pour améliorer la montée en compétences du personnel de santé avec Matthieu Bracchetti, CEO, Virtual Rangers (Luxembourg)
Matthieu Bracchetti, CEO de Virtual Rangers (Luxembourg), a présenté l’utilisation de la réalité virtuelle (VR) pour l’amélioration des compétences du personnel de santé par le biais de simulations sécurisées.
Leur projet, « Virtual Rangers Training« , propose des simulateurs immersifs, notamment pour l’entraînement à la prise de parole en public avec un retour en temps réel, et pour la maîtrise de gestes techniques complexes comme la pose d’un cathéter ou la gestion des urgences. L’objectif est de permettre aux soignants de s’entraîner dans un environnement sans risque.
Les principaux enjeux et défis de cette approche sont de :
- Garantir le réalisme des simulations pour assurer une formation pratique et efficace;
- Former les formateurs du milieu de la santé à l’intégration de ces outils VR;
- Adapter les contenus de formation aux besoins précis des différents professionnels de santé.

En termes de perspectives, Virtual Rangers vise à développer des partenariats avec des hôpitaux et des écoles de santé et à créer des modules de formation pour diverses professions (urgentistes, infirmiers).
Les Rencontres Internationales de la Culture, de la Connaissance et de l’Immersif ont montré combien la créativité numérique constitue aujourd’hui un écosystème ouvert, transversal et en constante évolution. Littérature, jeux vidéo, arts, sciences ou santé : chaque champ enrichit l’autre et transforme notre façon de transmettre des savoirs, de raconter des histoires ou d’accompagner les publics. Cette ouverture multiplie les partenariats entre institutions culturelles, structures éducatives, acteurs du patrimoine, centres scientifiques ou encore établissements de santé – autant de collaborations qui dépassent les cloisonnements habituels et permettent de toucher des publics plus larges et plus divers.
Cette hybridation entre disciplines et technologies redéfinit également les pratiques professionnelles. Les créateurs doivent apprendre à naviguer entre narration et interactivité, entre écrans et espace public, entre expériences artistiques et usages thérapeutiques. Les structures de diffusion, quant à elles, sont amenées à imaginer de nouveaux modèles économiques, à renforcer la médiation, et à intégrer des compétences techniques, juridiques ou scientifiques encore rares au sein des équipes.
Si ces formes numériques révèlent un potentiel créatif et sociétal considérable – du soutien à la lecture à la médiation scientifique, de l’accessibilité culturelle à la transformation des lieux de soin – elles posent aussi des défis cruciaux : pérennité des œuvres, maintenance technologique, éco-conception des dispositifs, adaptation aux publics, reconnaissance institutionnelle.
Accompagner cette mutation, c’est assumer la complexité de projets hybrides et soutenir les réseaux qui la rendent possible. En définitive, les RICCI 2025 confirment que la créativité numérique n’est pas seulement une innovation technologique : elle est un moteur de transformation culturelle et sociale. En cultivant la coopération entre acteurs et en partageant les bonnes pratiques, nous pouvons faire de cette hybridité une véritable richesse pour inventer les expériences culturelles, éducatives et sensibles de demain.
Vincent MATHIOT